En 1670, Pascal avertit dans ses Trois discours sur la condition des grands :
Le peuple qui vous admire ne connaît peut-être pas ce secret. Il croit que la noblesse est une grandeur réelle et il considère les grands comme étant d’une autre nature que les autres. Ne lui découvrez pas cette erreur, si vous voulez ; mais n’abusez pas de cette élévation avec insolence et surtout ne vous méconnaissez pas vous-mêmes en croyant que votre être a quelque chose de plus élevé que les autres.
C’est une attaque en règle, voulue ou non, contre Jean Bodin et toute la théorie qu’il a élaborée à propos de la nature de la souveraineté, qui s’élève au-dessus du peuple et vient de Dieu.
Pascal ici s’adresse aux nobles, ou à ceux qui sont hiérarchiquement plus élevés. En aucun cas cela ne signifie que leur être, l’essence même qui fait d’eux des hommes, est d’une nature également plus élevée que le peuple en général, ou que tout être humain.
Il propose ainsi à ces nobles, ou ces « grands », de continuer à préserver le prestige de leur fonction, mais de ne jamais oublier quelle est la réalité : à savoir qu’ils ne sont pas différents des autres êtres humains dans leur nature.
Pascal désacralise ainsi la noblesse et plus généralement les hommes de pouvoir. Précisons qu’il semble être un des seuls à le faire, puisqu’il commence en disant « le peuple qui vous admire ne connaît peut-être pas ce secret », le peuple étant alors berné et dupe.
Il ne s’agit pas pour les grands de se faire plus petit aux yeux du peuple, mais de se faire petit à eux-mêmes, de connaître les limites de leur pouvoir.