Sociologie et État-providence

L’émergence de l’Etat-providence : un changement des équilibres socio-économiques

L’Etat-providence est conçu pour modifier les équilibres que génère naturellement le capitalisme, lequel crée certaines inégalités de revenu et d’exposition au risque. En réponse, l’Etat-providence cherche à diminuer l’exposition des acteurs sociaux à divers risques. L’industrialisation a conduit à la destruction de nombreuses communautés traditionnelles, telles que les familles et les villages, tout en apportant davantage de ressources. Cette transformation a entraîné une marchandisation accrue du travail, augmentant ainsi les risques pour les travailleurs. Ces facteurs ont favorisé la création de l’Etat-providence.

Selon Robert Castel dans Les métamorphoses de la question sociale, l’Etat-providence s’appuie sur le salariat. Karl Marx définit l’exploitation comme la situation où les profits générés par notre travail ne nous sont pas entièrement rendus, une partie revenant au capitaliste. La relation salariale est ainsi une relation d’exploitation mais aussi de protection. Les risques inhérents à cette relation d’emploi incluent le chômage, la maladie et la vieillesse, nécessitant la mise en place de dispositifs pour y faire face.

Deux approches opposées émergent : ceux qui pensent qu’il ne faut pas gérer ces risques (libéraux radicaux et extrême gauche) et ceux qui veulent instaurer un Etat-providence. Cela conduit à deux logiques différentes : la logique assurantielle (argent versé à une assurance pour couvrir les risques) et la logique assistantielle (aide directe en cas de besoin).

Diversité des formes étatiques et influences politiques

Il est crucial d’examiner l’hétérogénéité des formes étatiques qui prennent en charge les risques. Aux États-Unis, les mesures contre le chômage n’ont jamais été accompagnées de mesures d’assurance maladie, concentrant les initiatives d’Etat-providence dans des périodes spécifiques (New Deal jusqu’à Nixon). Theda Skocpol attribue cela à une forte résistance à la centralisation du pouvoir et à une faible bureaucratisation de l’Etat américain, combinées à une opposition locale aux mesures d’Etat-providence, compliquant leur mise en œuvre fédérale.

Le lien entre les mesures d’Etat-providence et la vie politique est également significatif. Les gouvernements de gauche ont souvent été les porteurs de l’Etat-providence, comme démontré par Walter Korpi, qui montre que la présence de partis de gauche augmente les chances de son émergence. En plus des États sociaux-démocrates, les États chrétiens-démocrates jouent un rôle, avec des systèmes d’aides basés sur les droits acquis par le travail.

Modèles typologiques et résilience de l’Etat-providence

Esping-Andersen, dans Les trois mondes de l’Etat-providence, distingue trois régimes : libéral, conservateur et social-démocrate. Le régime libéral favorise l’autonomie individuelle et minimise le rôle de l’Etat, tandis que le régime social-démocrate prône l’universalisme et associe les mesures d’Etat-providence à la citoyenneté ; le régime conservateur, quant à lui, attache les prestations de l’Etat-providence à des statuts spécifiques et promeut la redistribution au sein de la famille.

Aux États-Unis, modèle libéral par excellence, les assurances privées gèrent les risques. Esping-Andersen met en lumière la relation entre le poids du marché et celui de l’Etat tandis que Jacob Hacker souligne que, aux États-Unis, la fiscalité joue un rôle significatif dans le développement des assurances privées.

Les Etats-providence cherchent à réduire la pauvreté, mais cela n’implique pas nécessairement une réduction des inégalités. Dans les régimes libéraux, la réduction de la pauvreté après impôts et transferts est limitée, alors qu’elle est beaucoup plus marquée dans les régimes sociaux-démocrates. Les inégalités sont plus faibles après transferts de revenus dans les régimes sociaux-démocrates par rapport aux régimes libéraux, tandis que les régimes conservateurs parviennent à réduire les inégalités en décourageant les assurances privées.

L’idée que les transferts de revenus incitent les gens à ne plus travailler est souvent débattue. En réalité, les transferts de revenus vont des riches, qui ont une propension à épargner, vers les pauvres, qui ont une propension à consommer, stimulant ainsi la consommation. La cohérence des dispositifs de protection sociale est déterminante pour la croissance économique.

Korpi analyse également l’évolution de l’Etat-providence en termes de résilience. Bien que le retrait de l’Etat-providence soit observé, sa disparition totale n’est pas en vue, témoignant de sa capacité de résilience. Cette résilience est diverse selon les pays et repose en partie sur le soutien de groupes comme les personnes âgées, les femmes et les salariés de l’Etat-providence.

Enfin, la concurrence internationale et la globalisation financière influencent les politiques d’Etat-providence. Toutefois, il n’existe pas de lien stable entre compétitivité internationale et étendue du welfare. Les pays d’Europe du Nord, malgré des systèmes d’Etat-providence développés, sont très compétitifs. Le démantèlement de l’Etat-providence peut être en partie idéologique, comme en Grande-Bretagne, basé sur des convictions libérales fortes. L’Etat-providence a émergé de la lutte des classes et est soutenu par divers groupes sociaux, expliquant sa résilience.

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