Dans Le Gai Savoir, Nietzsche propose une réflexion sur la santé, et plus particulièrement la santé de l’âme. Nietzsche n’imagine pas une réalité séparée du corps, qui serait l’âme. Nietzsche a lui-même été malade toute sa vie.
Ce qu’il désigne par âme est une strate fondamentale, de la physiologie, qui est l’expression d’un état du corps. « Je suis tout entier corps, et rien d’autre » comme dit Zarathoustra.
120. Santé de l’âme. La célèbre formule de médecine morale (dont Ariston de Chios est l’auteur) : « La vertu est la santé de l’âme » devrait, pour que l’on puisse l’utiliser, être du moins transformée ainsi : « Ta vertu est la santé de ton âme. » Car en soi il n’y a point de santé et toutes les tentatives pour donner ce nom à une chose ont misérablement avorté. Il importe de connaître ton but, ton horizon, tes forces, tes impulsions, tes erreurs et surtout l’idéal et les fantômes de ton âme pour déterminer ce que signifie la santé, même pour ton corps. Il existe donc d’innombrables santés du corps ; et plus on permettra à l’individu particulier et incomparable de lever la tête, plus on désapprendra le dogme de « l’égalité des hommes », plus il faudra que nos médecins perdent la notion d’une santé normale, d’une diète normale, du cours normal de la maladie. Et, alors seulement, il sera peut-être temps de réfléchir à la santé et à la maladie de l’âme et de mettre la vertu particulière de chacun dans cette santé : il est vrai que la santé de l’âme pourrait ressembler chez l’un au contraire de la santé chez l’autre. Et finalement la grande question demeurerait ouverte : savoir si nous pouvons nous passer de la maladie, même pour le développement de notre vertu, et si particulièrement notre soif de connaissance et de connaissance de soi n’a pas autant besoin de l’âme malade que de l’âme bien portante : en un mot si la seule volonté de santé n’est pas un préjugé, une lâcheté, et peut-être un reste de la barbarie la plus subtile et de l’esprit rétrograde.
Paragraphe 120, Nietzsche, Le Gai Savoir (1882)
Nietzsche redéfinit le philosophe comme médecine de la culture. Ce n’est plus la problématique de la recherche du vrai qui guide la philosophie.
Le philosophe est un philosophe médecin plutôt qu’un médecin érudit. La grande question est de savoir si l’on peut se passer de la maladie. La question est : est-ce qu’il y a des modes de pensée malades, qui traduisent une déviation par rapport à ce qui serait la santé ? Nietzsche répond à l’affirmative : il y a d’une certaine manière des maladies de l’âme, symptômes de dysfonctionnements dans l’organisation corporelle. Par exemple, la prolifération des jugements pessimistes. Il faut dès lors penser la pensée dynamique entre santé et maladie. Le pessimisme est un obstacle à surmonter.
« Ce qui ne me tue pas me fortifie » explique Nietzche dans Le crépuscule des idoles publié en 1888.