Résumé de Merci pour ce moment de Valérie Trierweiler

L’actualité politique est occupée cette semaine par la sortie du livre de Valérie Trierweiler.

Si rien ne saurait remplacer la lecture de ce livre pour le comprendre, la parution de cet ouvrage est un acte politique et en tant que tel mérite pour tout étudiant en science politique, mais plus largement pour toute personne qui s’intéresserait à la politique, d’en saisir le message et le caractère inédit : qu’est-ce qu’a voulu dire Valérie Trierweiler dans son livre ? Quelle est l’originalité d’un tel livre dans la vie politique de la Ve République depuis 1958 ?

Cette première partie est en 4 axes :

  1. Les raisons de l’ouvrage Merci pour ce moment
  2. Scoop Gayet : conséquences politiques plutôt que personnelles
  3. Les coups politiques
  4. Une histoire personnelle

Les raisons de l’ouvrage Merci pour ce moment

Valérie Trierweiler commence par donner en introduction les raisons qui l’ont poussée à écrire ce livre : il s’agit pour elle de rétablir sa vérité, après les déformations qui ont été faites dans la presse, de son rôle de Première Dame.

La dédicace empruntée à Tahar Ben Jelloun, écrivain marocain né en 1944, donne le ton : « Le silence de l’être aimé est un crime tranquille. »

Scoop Gayet : conséquences politiques plutôt que personnelles

– Les conséquences politiques avant tout

Dans ce passage rapporté sur le site de Paris Match, Valérie Trierweiler raconte comment elle apprend, après avoir entendu des rumeurs et avoir été avertie de la Une de Closer, que François Hollande avait une histoire avec l’actrice Julie Gayet.

Mais « À cet instant-là, je me sens davantage atteinte par le désastre politique que par notre faillite personnelle. » raconte-t-elle.

Cette préoccupation politique est aussi la réaction de François Hollande : « Comment allons-nous faire ? » interroge-t-il, qui « semble plus abattu que » Valérie Trierweiler.

Même l’hospitalisation de Valérie Trierweiler, conséquente de cette nouvelle, est politique. Valérie Trierweiler le déplore en ces termes : « Cette affaire personnelle est traitée comme une affaire d’État. Je ne suis plus qu’un dossier.« .

Le milieu médical, bon gré ou mal gré, devient politique lui aussi, victime de la politisation de cette affaire personnelle : « Les doses de tranquillisants ont été surmultipliées pour m’empêcher d’aller à Tulle.« .

– La machine médiatique aux rouages incontrôlés

Les paparazzis sont également au cur de l’enjeu politique. Ainsi, lors de la sortie, « La voiture que nous utilisons habituellement est transformée en leurre et envoyée en éclaireuse. ».

Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que les paparazzis semblent tout autant victimes du feuilleton politique que leurs proies. « – C’est pas nous, c’est pas nous, la photo du Parisien, on vous jure, c’est pas nous ! » se défendent-ils.

L’ouvrage apporte un éclaircissement sur ce système complexe, où les paparazzis fonctionnent comme un outil de la presse contre le politique, en même temps qu’ils redoutent voire même se trouveraient compatissants envers ces personnages politiques.


Valérie Trierweiler

– L’hypocrisie des proches politiques

Si Valérie Trierweiler reçoit le soutien de sa famille, de lettres de Français, elle se montre déçue par l’absence d’aide du milieu politique, qui la considère déjà comme « une paria« , surtout de la part de ceux qu’elle connaissait le mieux.

D’autant plus qu’elle reçoit le soutien de personnalités des autres camps politiques, ce qui lui vaut d’écrire cette morale : « En politique, il ne vaut mieux pas être du côté des perdants. »

– Les sacrifices des époux politiques

C’est un sujet récurrent des séries politiques : les sacrifices que doivent consentir la famille d’un personnage politique, et plus particulièrement son épouse ou son époux.

Le conflit d’intérêt doit être écarté même sous sa forme fantomatique du soupçon. Le risque est que quelqu’un, bien ou mal intentionné, puisse dénoncer un conflit d’intérêt entre la fonction politique de l’un, et le travail professionnel de l’autre. Or Valérie Trierweiler s’est vu proposer en tant que journaliste la présentation d’émissions à la télévision, ce qu’elle est contrainte de refuser pour qu’il ne puisse subsister des soupçons de conflit d’intérêt : « Tu dois renoncer à la télé.« .

Or cette sentence privait en partie Valérie Trierweiler de son indépendance financière, à laquelle elle tenait.

Plus généralement, ce sont les relations conflictueuses causées par les soupçons de conflit d’intérêt qui sont mises en exergue, plus particulièrement au sein des couples présidentiels de la Ve République.

– La littérature pour vivre ou survivre

Valérie Trierweiler raconte ensuite son enfance, notamment le souci constant de sa famille pour ne pas dépenser plus que ses besoins ou ses moyens.

Elle relate son amour pour les livres, sa rencontre avec Bernard Pivot après un tweet d’invitation, et son plaisir à rédiger ses critiques littéraires pour Paris-Match.

Dès le moment de leur rupture, François Hollande se soucie de ce que pourrait faire Valérie Trierweiler après leur rupture : « Il veut que j’abandonne l’idée d’écrire un livre« , glisse Valérie Trierweiler, puis plus tard « Ce qui lui importe, c’est mon silence.« .

C’est directement le caractère politique de ce livre, Merci pour ce moment, qui est cristallisé par cette attention de François Hollande.

– Une bureaucratie inhumaine

« J’apprendrai plus tard qu’il aura fallu trois conseillers officiels, entre deux piles d’affaires courantes à expédier, pour rédiger ma répudiation »

Il faut saluer le style de l’auteur, dont on sent qu’il est inspiré d’une longue tradition littéraire. L’antithèse « l’acte de décès de notre amour » est par exemple marquant, associant le vocabulaire froid et régulier de l’administration au sentiment noble et chaud de l’amour.

Au sens de certains cependant, ce style pourra parfois paraître emphatique, voire surjoué, usant de formules forcées : « L’un des maîtres d’hôtel me glisse un paquet de mouchoirs. Mais c’est moi, le kleenex qui vient d’être jeté à l’instant.« .

Les coups politiques

– Les pratiques déstabilisantes

Valérie Trierweiler mentionne « des policiers de droite qui alimentent la rumeur« , et « des officines qui ont l’habitude de fabriquer des affaires de toutes pièces pour déstabiliser« .

Ces officines auraient fabriqué « une fausse fiche de police » qui lui « prêtait des liaisons avec la moitié de la classe politique de droite comme de gauche« .

Cette première déstabilisation pousse Valérie Trierweiler à se retrancher, à éviter les pressions extérieures, alors qu’elle fait le récit du développement des rumeurs autour de Gayet, auxquelles elle ne croyait pas au début.

Mais c’est alors au tour de Valérie Trierweiler de déstabiliser le jeu politique : « Je lui suggère qu’elle démente elle-même pour mettre fin à ce mauvais film. [Julie Gayet] accepte. Je lui envoie un message pour lui dire d’attendre le lendemain, afin de ne pas polluer l’interview présidentielle. »

La Première Dame conserve ainsi une influence sur le déroulé des évènements, elle peut manifestement agir.

– La maladie chronique d’une Trierweiler blessée par les mensonges du président

Valérie Trierweiler présente François Hollande comme lui mentant à plusieurs reprises, pour cacher son secret.

Tout au long du récit, Valérie Trierweiler apparaît malade, prête à vomir, à s’évanouir, et surtout en permanence alimentée de comprimés, de médicaments, de somnifères.

Elle décrit ensuite la solitude des appartements privés, au coeur d’un milieu pourtant bourdonnant d’agitation : « L’Élysée est une ruche, le cœur du pouvoir, mais les appartements privés sont comme une bulle silencieuse, préservée de l’agitation, dans laquelle personne n’ose entrer. Je m’y suis sentie parfois très seule. »

L’Elysée apparaît comme un milieu foisonnant, où l’on peut pourtant se retrouver bien esseulé une fois que l’on y loge.

« L’affaire du tweet » – où Valérie Trierweiler avait soutenu un autre candidat socialiste contre Ségolène Royale, ex-épouse de François Hollande – est un reproche récurrent que lui fait le président.

Il semble être un poison originel, une première faute politique, reconnue par Trierweiler : « elle me poursuit encore aujourd’hui, donc je sais que j’ai eu tort« .

Mais ce tweet n’est pas un hasard ou une maladresse, mais plutôt la tentative selon Valérie Trierweiler de réparer une injustice, concrétisée au cours d’une dispute : « je préviens François du tweet de soutien que je vais rédiger. Il veut m’en empêcher, tente de m’arracher mon téléphone des mains. »

– François Hollande élève de Machiavel

C’est toutefois pour Trierweiler encore lié à un mensonge de François Hollande : celui d’encourager Ségolène Royal au poste de président de l’Assemblée générale, alors que « officieusement, il assure qu’il n’en veut pas comme troisième personnage de l’État« .

Selon Trierweiler, c’est un trait constant de François Hollande, manipulateur : « Combien de fois l’ai-je ainsi entendu, lorsqu’il était Premier secrétaire du PS, encourager un candidat et tout faire ensuite pour qu’il n’ait pas l’investiture ? » et de conclure, « C’est un politique« .

Cette vision très machiavélique de la politique, attribuée à François Hollande, où la fin justifie les moyens, irrigue l’œuvre. Comme si Valérie Trierweiler avait conscience de la nécessité machiavélique de la politique, et sans y abonder, en acceptait le sort, justifiant son application par François Hollande.

« Aussi est-il nécessaire au Prince qui se veut conserver qu’il apprenne à pouvoir n’être pas bon »

…dirait Nicolas Machiavel.

– L’admiration pour les qualités de François Hollande

De nombreuses fois dans le livre, Valérie Trierweiler reconnaît une grande qualité de François Hollande, qui est de toujours prévoir le coup d’après. C’est le cas en particulier lors de sa rupture, lors de l’affaire du tweet, mais aussi lorsque Dominique Strauss-Kahn avait été arrêté.

« Il a cette qualité immense de regarder d’abord devant et de ne jamais s’attarder sur ce qui est fait » C’est sûrement ce qu’elle voulait mettre en valeur en déclarant quelques jours après la sortie de Merci pour ce moment dans une conversation téléphonique avec RTL :

« d’autres passages décrivent aussi toute l’admiration que j’ai pour lui »

En effet, Valérie Trierweiler se remémorera en page 135 : « Il me fait rire. Je suis épatée par son intelligence, sa vivacité. Il va tellement vite dans ses réflexions. »

– Les enfants Hollande, Vallaud-Belkacem, et Clinton

Les relations familiales de François Hollande avec ses enfants sont évoquées, en particulier leur difficulté pour accepter le divorce avec Ségolène Royal.

Un mot est glissé sur Najat Vallaud-Belkacem, future ministre de l’Education, impressionée par la force médiatique de Valérie Trierweiler.

Un autre sur Hillary Clinton, dont Hollande trouve la candidature « grotesque« , comme l’ont révélé les extraits de Paris Match.


La fameuse Une de Closer
sur Hollande et Gayet

Une histoire personnelle

– Valérie Trierweiler dans le journalisme

Valérie Trierweiler revient sur ses premières années, ses débuts de journaliste à Profession politique.

Elle se présente comme déboussolée, non préparée : « Je n’ai pas suffisamment de culture politique ni même de culture tout court.« , avec peu d’expérience : « J’ai vingt-trois ans et je n’ai jamais pris l’avion.« .

C’est en tant que journaliste qu’elle étudie les courants au sein du parti socialiste, parmi lesquels les Transcourants, dont l’un des chefs de file est le François Hollande, qu’elle rencontre en 1988 au cours d’un repas à l’Assemblée nationale. Elle le découvre sympatique et joyeux, notamment avec les journalistes.

L’année d’après Valérie Trierweiler fait ses premiers pas à Paris Match. Elle écrit un jour un article sur Bernard Tapie, rapportant des propos que celui-ci dément par la suite, et qui pourtant sont prouvés par des enregistrements quelques jours plus tard.

Elle rencontre toujours à Paris Match son second mari après Franck Thurieau, Denis Trierweiler, avec qui elle a trois enfants.

Valérie Trierweiler décrit ensuite sa famille, ses parents, comment ils ont influencé son parcours et ses études. Elle raconte sa réputation de « bourgeoise » par contraste avec le milieu social dans lequel elle a réellement grandi, et de « dédaigneuse».

– L’amour Hollande – Trierweiler

Le livre prend la tournure de feuilleton télévisé lorsqu’il relate la liaison entre Hollande et Trierweiler, ainsi que le trio complété par Ségolène Royal, avec ses scènes de jalousie au détour d’un restaurant.

Mais ces relations apporteront pour certains un éclairage sur la complexité du cas Ségolène Royal dans le gouvernement depuis l’arrivée de Manuel Valls, symbolisée par cette phrase : « Ségolène Royal vient d’arriver. Il devient aussitôt un autre. »

Le ton des histoires d’amour trahies se prolonge, jusqu’aux interviews données par Trierweiler sur Europe 1 et Hollande sur RMC à la suite de l’affaire Gayet, alors que Valérie Trierweiler est en voyage à Haïti en soutien de l’association du Secours populaire.

– La victoire aux élections présidentielles et la chute

Valérie Trierweiler apparaît comme une femme brisée, tout comme lorsqu’elle tente de surmonter la pression le jour de l’élection de François Hollande comme président : « Je m’effondre, assise par terre, sur le carrelage. » après que François Hollande l’a rembarrée. Cela ne les empêche pas, quelques instants minutes ou heures plus tard de « un moment intense » : « François m’entraîne dans un demi-pas de danse« .

Trierweiler critique alors le comportement de l’Express, qui selon elle, parce qu’elle avait refusé une interview venue trop tôt, avait choisi de la stigmatiser en tant que Première Dame « qui contrôle tout« . Et de lancer dans Merci pour ce moment : « Ainsi vont ceux qui sont prêts à lyncher ce qu’ils pourraient tout aussi bien célébrer »

Bien évidemment, c’est la recherche malhonnête du scoop à tout prix qui est dénoncée. Cette critique n’est pas nouvelle, mais l’ouvrage montre plus qu’un autre par la proximité du lecteur avec la Première Dame l’injustice de sa violence.

Cette élection n’estombe pas la jalousie de Trierweiler contre Ségolène Royal, que François Hollande va embrasser, et à quoi elle répond par un acte : « Quand il revient, je lui demande à l’oreille de m’embrasser en précisant « sur la bouche » »

– La fragilité d’une nouvelle Première Dame

Comme de nombreuses Premières Dames avant elle, Valérie Trierweiler se donne comme mot d’ordre dans ses débuts de ne pas investir le champ politique, confié à son mari. C’est ce qu’elle rapporte sous les mots : « Une fois à l’Élysée, je prends garde à ne pas empiéter sur la politique. »

Conformément aux coutumes de la Ve République, c’est la stratégie qui semble alors la plus naturelle.

Mais sa fragilité est autant physique, liée au stress, que mentale, notamment quand le président François Hollande ne lui dit pas toujours la vérité mais préfère « le non-dit, l’esquive et le mensonge« .

Un aspect relevé par Valérie Trierweiler, et qui a toute son importance pour comprendre le milieu politique, est le machisme supposé des hommes politiques. Il est vrai qu’aux élections législatives de 2007 par exemple, les femmes ne représentaient toujours que 18,5% des députés.

– Nominations stratégiques

Ainsi, François Hollande refuse de nommer ministre la femme du directeur du Point de l’époque, car celui-ci l’ « aurait forcément vécu la promotion de sa compagne comme un camouflet personnel« . Valérie Trierweiler de conclure : « Solidarité de machos« .

De même, la préoccupation de la parité dans le gouvernement semble obéir aux mêmes priorités : « Certaines femmes ministres sont même choisies sur catalogue. »

La manière de nommer les ministres est assez explicitement dénoncée, comme uniquement stratégique, « un jeu de billard à plusieurs bandes« . C’est encore une constatation de la politique calculatrice.

– La célébrité soudaine à l’épreuve des « haters »

La presse est plusieurs fois critiquée, en ce qu’elle impute faussement des responsabilités à Valérie Trierweiler, sans connaître les vraies raisons. Par exemple lorsqu’elle demande plus de vie privée pour son enfant, ou encore l’absence de la famille du président lors de l’investiture : « La presse m’attribue la responsabilité de sa décision. »

Valérie Trierweiler fait ensuite une révélation étonnante, car elle avait pu échapper à une partie des Français : les difficultés de Carla Bruni à s’adapter à sa nouvelle vie de Première Dame. Sans doute, Valérie Trierweiler trouve un écho rassurant de son propre sort, de ses propres difficultés. « Nicolas Sarkozy lui explique combien cette période a été douloureuse pour Carla, qui a mal vécu la médiatisation à outrance et les médisances. Il lui confie avoir été obligé de recourir à des sociétés spécialisées pour « faire monter » dans les algorithmes des moteurs de recherche les articles et les références honorables, pour cacher les horreurs qui circulent sur le Net, afin que sa femme ne tombe pas dessus. »

Elle apporte de plus un éclairage bien connu sur les liens de plus en plus importants entre la maîtrise d’internet, en terme de communications, et le pouvoir. Ce n’est rien d’autre que le pouvoir de Google principalement qui est abordé. C’est aussi la volonté de ne pas se décourager à cause des commentaires abondants sur internet, souvent plus libres et virulents.

→ PARTIE 2 de l’analyse du livre Merci pour ce moment

Merci pour ce moment est publié aux éditions des Arènes, nous vous conseillons d’acheter ce livre.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *