Attention aux partis pris de cette liste, que nous assumons totalement, et qu’il vous faut bien comprendre :
- Cette liste est ethnocentrée. Si vous étiez nés au Japon, à Cuba, en Inde ou au Nigéria, la sélection serait différente. Cependant, cette orientation n’exclut pas les œuvres littéraires étrangères, qui figurent parmi les plus brillantes. Nous vous encourageons à les lire en langue originale si possible, même avec un dictionnaire à portée de main, afin de stimuler votre curiosité et vous inciter à explorer davantage de littératures étrangères.
- Cette liste ne contient pas tous les livres que vous aimeriez y voir. Nous avons dû faire des choix drastiques, écartant de nombreux ouvrages excellents pour ne retenir que les plus remarquables. Lorsque quelqu’un cherche des recommandations sur les livres essentiels, il est inutile de présenter une liste de 10 000 titres. Mentionnez dans les commentaires les livres que vous estimez importants, en les accompagnant de descriptions et de conseils pour inciter les autres lecteurs à les découvrir.
- Cette liste est arbitraire et non un classement scientifique ou mathématique, ni une sélection basée sur la qualité du style ou du fond. Nos critères sont subjectifs, regroupant les œuvres les plus connues et populaires. Ainsi, une thèse complexe peut être éclipsée par un conte de fées simplement parce qu’il est plus populaire.
Nous avons sélectionné des livres accessibles à tous, offrant des conseils pour faciliter leur lecture. Ces ouvrages sont d’une grande qualité littéraire et enrichiront votre style d’écriture et votre pensée, développant votre culture générale. Ce sont des livres incontournables, à lire absolument au cours de votre vie. Pour chaque titre, nous indiquons pourquoi vous devriez lire ce livre et ce que vous allez y apprécier. Nous avons opté pour un ordre chronologique pour structurer cette liste, espérant ainsi vous guider de manière cohérente à travers les œuvres les plus importantes à lire.
1. Commencez par ceux qui vous plaisent ! Nous venons tout juste d’insister sur l’importance de sortir de votre zone de confort, et de vous laisser porter vers des ouvrages qui vous sont étrangers voire vous inquiètent, parce que vous avez cet a priori que ce ne sera pas ce que vous aimez. Et nous allons un peu nous contredire : écartez ces livres qui ne vous donnent spontanément pas envie, et commencez par les livres que vous aimez, qui vous donnent immédiatement envie !
En fait ne vous réjouissez pas trop vite : c’est une ruse de notre part. C’est simplement pour établir le lien de confiance entre vous et nous. En lisant ces quelques livres qui vous plaisent immédiatement, nous espérons que vous aurez confiance dans les autres ouvrages de cette liste qui auront davantage de légitimité. En somme, que vous penserez : «J’ai adoré cet ouvrage, et il était dans la liste ! Si j’ai tant que ça aimé, c’est bien que cet autre livre qui a priori ne me donne pas beaucoup envie doit quand même avoir des qualités et un intérêt. C’est probablement que finalement je vais aussi bien l’aimer.»
2. Lisez-vite. C’est très, très, très important. Si vous voulez gagner en motivation chaque jour et développer considérablement votre culture générale, alors lisez-vite. → 7 conseils pour lire beaucoup plus vite
3. Fixez-vous un objectif. Ce n’est pas une compétition, et lire des livres reste un plaisir. Ce n’est jamais un concours, jamais un exercice. C’est toujours une activité qui doit vous épanouir et vous procurer le plus de bonheur possible. Eh bien, croyez-le ou non, vous serez très heureux d’aborder cette liste sous forme de jeu, avec des amis ou juste avec vous-même. Vous donner un objectif, une date limite, multipliera par 100 votre motivation, et vous lirez beaucoup, beaucoup plus de livres que vous ne l’auriez imaginé si vous faites ce geste simple ! Voir la Méthode SMART. Vous devez à chaque fois préciser : les titres de livre, le nombre de jours pour le lire. Par exemple, si vous voulez un jeu à court terme, ce pourrait être le suivant : en 1 mois, vous lirez 3 livres. Vous avez donc 10 jours par livre. Ecrivez sur une feuille ou sur un mémo de votre ordinateur le nom de vos 3 livres et les dates exactes qui correspondent. Vous allez voir, avec cet objectif en tête, non seulement vous décuplerez votre plaisir de lecture, mais en plus vous serez très fiers de vous et ravis de constater à la fin du mois que vous pouvez cocher 3 cases des livres les plus importants de l’histoire.
Une fois de plus, nous vous encourageons à indiquer en commentaires vos recommandations, c’est-à-dire les ouvrages dont vous estimez qu’ils auraient dû être publiés dans cette liste. Nous agrandirons cette liste d’ouvrages à lire si nécessaire en fonction de vos suggestions.
- Homère – L’Odyssée – VIIIe siècle avant J-C. : il s’agit avec l’Iliade du poème fondateur de la civilisation européenne. C’est là que tout commence. L’Odyssée décrit le retour du héros grec ultra-connu Ulysse. L’avantage c’est qu’en plus l’Odyssée se lit très rapidement, car le texte est 1. court : 23 Chants, chacun assez court ; 2. facile : c’est avant tout une histoire, un récit destiné à intéresser les gens, à les emporter avec plaisir dans le monde de la mythologie. Cette aisance est d’autant plus jouissive que ce fut par contraste extrêmement difficile à écrire puisque pour chaque ligne Homère s’est obligé à écrire selon des règles et des contraintes très précises (en charabia littéraire, on appelle ça hexamètres dactyliques). Avouez que ça fait quand même plaisir de lire en 1 seule seconde une ligne sur laquelle Homère a bien dû passer 1 quart d’heure (et ça plus de 12.000 fois).
- Homère – L’Iliade – entre -850 et -750 avant J-C. : vous aimez les guerres où il y a de l’action, de l’amour, et des héros ? Eh bien l’Iliade, – en plus d’être un trésor pour les historiens -, c’est tout ça, couronné par une guerre encore plus exceptionnelle : une guerre des Dieux ! En particulier 3 des plus puissants Dieu s’opposent : Athéna, Poséidon, et Apollon, avec pour théâtre la guerre de Troie et un héros ultra-connu également : Achille. Autant vous dire qu’il y a de la fight, des exploits, de la stratégie, et que tout comme l’Odyssée c’est très facile à lire : si vous passez sur le formulé un peu vieux des phrases ((forcément, ce sont des vieux Grecs) qui fait en même temps tout le charme de l’histoire, l’histoire se résout en 24 «Chants», qui sont tous brefs. C’est aussi ce que l’on appelle une épopée : un récit d’exploits historiques/mythiques (car oui, on n’est même pas sûr que la guerre de Troie a vraiment eu lieu), vous serez par conséquent très vite emportés dans l’histoire.
- Ésope – Les fables – entre 620 et 564 avant J-C. : vous avez toujours cru que Jean de La Fontaine était LE meilleur pour les fables ? Loin de nous l’idée de diminuer les mérites de cet auteur dont nous avons tous appris un jour ou l’autre une poésie. Mais si vous voulez découvrir LE vrai fondateur des fables, le voici : Esope ! Par exemple, Le Corbeau et le Renard, ou bien Le Lièvre et la Tortue, c’est lui ! En fait, Jean de La Fontaine lui a presque tout volé. Oui, c’est tout un mythe qui s’effondre et toute votre confiance qui s’écroule. Eh bien vous n’êtes pas au bout de vos surprises, parce que Ésope lui-même n’a pas écrit chacune de ces fables. C’est simplement parce qu’à l’époque ça faisait bien de regrouper toutes ces fables autour d’un seul et même auteur, qu’Ésope est devenu le père fondateur des fables.
- Ovide – Les métamorphoses – vers l’an 1 après J-C. : si le personnage vous paraît un peu austère, alors cette image va sûrement bien changer lorsque vous saurez qu’Ovide s’est avant tout fait connaître par des textes érotiques et des poèmes grivois. Mais ce qui a permis à Ovide de se faire une place dans l’histoire, c’est plutôt cette espèce d’énorme assemblage des mythologies grecques et romaines. Ce qui est amusant, c’est que tous ces récits mythiques n’ont parfois pas vraiment de rapports entre eux, et Ovide doit à chaque fois trouver des astuces pour les lier entre eux. Le truc toujours impressionnant, c’est de savoir que la mode de ces époques c’est de tout écrire en hexamètre dactylique, un terme très compliqué pour signifier que CHAQUE phrase, chaque ligne de texte, est mesurée, et devait tomber pile poil pour faire le bon compte.
- multiple – Les Mille et Une Nuits : dans la littérature arabe, les fables ne sont pas bien considérées : c’est pour le peuple, pas pour être étudié.
- Multiples auteurs – La Torah ou Pentateuque – VIIe au Ve siècles avant J-C. : Alors là, c’est du lourd, tant le Pentateuque, aussi appelé Torah par les Juifs, aura influencé l’histoire de l’humanité. si on attribue souvent l’écriture de ces textes sacrés à Moïse, il est plus probable que plusieurs personnes y aient contribué. Comme son nom l’indique, «Penta», il y a 5 livres. Si chacun des livres a son intérêt, nous vous conseillons surtout de lire en intégralité la Genèse, qui raconte les origines du monde (rien que ça !) et l’Exode qui raconte la sortie d’Egypte. Ces épisodes sont bien sûr extrêmement connus. peu importe la foi avec laquelle vous les lirez, vous n’en ressortirez qu’éblouis par la puissance qu’ont eu ces textes sur tout le cours de l’humanité, et encore aujourd’hui.
- Confucius – Les Entretiens de Confucius ou Analectes – 479 avant J-C. à 221 après J-C. : Personne n’ignore le nom de Confucius. D’après Simon Leys en 1987, « nul écrit n’a exercé une influence plus durable sur une plus grande partie de l’humanité ». En effet, en termes d’influence, Confucius en Orient est souvent comparé à Platon ou Jésus en Occident. L’enseignement du Confucianisme était obligatoire en Chine, et encore aujourd’hui le mode de pensée confucianiste imprègne les sociétés asiatiques, notamment en Chine, au Japon, en Corée. Inutile de vous dire que les paroles rapportées peuvent être un peu déstabilisantes. Il y est notamment écrit « Si deux personnes marchent ensemble avec moi, il y en a au moins une qui peut me servir de maître ». C’est un peu l’idée que vous devez retenir lorsque vous lirez ces entretiens.
- Platon – L’Apologie de Socrate – 399 avant J-C. : Imaginez quelqu’un dont le professeur est Socrate, et l’élève Aristote. Vous avez forcément à faire avec quelqu’un d’exceptionnel, n’est-ce pas ? Je vous présente donc Platon ! L’Apologie de Socrate est l’occasion pour Platon de rapporter sa version des faits du procès de Socrate, qui demeure quand même une des morts les plus extraordinaires de l’histoire. Si l’on vous mettait devant le dilemme suivant : «Est-ce que vous regrettez ce que vous avez dit et vous avez la vie sauve ? Ou est-ce que vous confirmez ce que vous avez dit et vous êtes condamnés à mort ?», que répondriez-vous ? On vous laisse deviner comment Socrate se défend… On a sélectionné ici l’Apologie de Socrate, mais l’œuvre de Platon est immense. Ce sont presque toujours des discours qui mettent en scène son maître Socrate. D’un point de vue de la forme, c’est assez amusant et plutôt unique. Vous connaissez beaucoup de livres de philosophies qui ne sont que des dialogues ? C’est donc également assez sympathique en lire, et vous pouvez tout à fait vous imaginer avec vos amis discuter autour d’une table, au coin du feu, tout comme les personnages dont vous lirez les paroles. Enfin, on touche là non seulement à un trésor historique inimaginable, mais aussi à la naissance de la philosophie occidentale. Toutes les pensées, tous les auteurs, tous les philosophes en Occident se sont penchés un jour ou l’autre sur Platon. Tous ont lu un jour ou l’autre Platon. Et d’ailleurs, jusqu’au Moyen-Âge les textes étaient étudiés par TOUS, et nous espérons que vous rejoindrez très vite cette communauté, si ce n’est pas déjà fait.
- Aristote – L’Éthique à Nicomaque – IVe siècle avant J-C. : avec beaucoup de parti pris, c’est-à-dire de manière pas du tout impartiale, nous vous dirions qu’Aristote, c’est tout comme Platon : la naissance de la philosophie… mais en beaucoup mieux ! Aristote, c’est la pertinence à tous les mots (bon un peu moins quand il affirme que l’esclave n’a pas de volonté, et la femme en a une de sous-ordre) et dans tous les domaines : physique, métaphysique, politique, éthique, langage, poésie et… biologie. Oui car Aristote avait une passion : observer les animaux, et il leur a consacré d’énormes ouvrages. C’est également à Aristote que l’on doit le Lycée, raison de plus pour l’aimer, n’est-ce pas ? Au sein de cette considérable œuvre, nous avons sélectionné l’Éthique à Nicomaque. On pourrait décrire ce livre comme son traité sur le bonheur, qui pour Aristote était la fin de la vie. Pour arriver à ce bonheur, il parle entre autres de politique, de vertu, de justice… Autant de thèmes sur lesquels Aristote fait encore figure d’autorité de nos jours. Lorsqu’Aristote écrit «Il n’y a point de génie sans un grain de folie.» dans Poétique, savait-il qu’il parlait de lui-même ?
- Multiples auteurs – L’Évangile – Ier siècle après J-C. : Texte sacré également, les Evangiles sont le cœur de la Bible. Il n’est pas besoin là encore de rappeler l’influence extraordinaire que les Evangiles exercent encore aujourd’hui. Le Christianisme est de nos jours la plus grande religion du monde, puisqu’elle compte pas moins de 2 milliards de membres. L’influence sur les arts et sur la culture est exceptionnelle, voire oserons-nous dire, la plus importante de l’histoire. Certains chefs d’œuvre forcent encore l’admiration de tous : de la Chapelle Sixtine à la cathédrale de Paris en passant par les églises orthodoxes d’Europe de l’est et de Turquie. Vous l’avez donc compris : il faut ab-so-lu-ment vous penchez sur ces écrits ! Il est toujours difficile d’établir des statistiques, mais la Bible est sans aucun doute l’ouvrage de tous les records d’à peu près tous les classements : livre le plus lu, le plus répandu, le plus influent, etc. Les Évangiles représentent une toute petite partie de la Bible, et sont au nombre de 4. Vous pouvez vous contenter d’en lire un seul, car ils racontent nécessairement tous la même histoire : la vie de Jésus. Si vous hésitez, nous vous conseillons l’évangile de Saint Luc, qui a l’avantage de raconter également la naissance. Faites attention également à la traduction que vous choisissez, puisque ce sont dans ces variations de traduction que bien se trouvent les différences entre les religions.
- Multiples auteurs – Le Coran – VIIe siècle après J-C. : le dernier des textes sacrés que nous vous présentons dans cette liste. L’islam, qui compte plus d’un milliard et demi de membres, est centré autour du Coran. Pour les musulmans, le Coran la mise en écrit de ce que Dieu a révélé à Mahomet par l’intermédiaire de l’ange Gabriel. Le Coran est également généralement considéré comme le plus grand chef-d’œuvre de littérature écrit en langues arabes. Les interprétations du Coran sont si décisives encore de nos jours que vous ne pouvez pas passer à côté. En plus, le Coran n’est pas très long et peut donc se lire assez rapidement. Il est à noter que le Coran s’inscrit totalement dans la continuité de la Torah et de la Bible, et par exemple Moïse et Jésus sont mentionnés encore plus souvent que Mahomet lui-même.
- Chrétien de Troyes – Yvain ou le Chevalier au lion – vers 1176 après J-C. : qui n’a jamais entendu parlé des chevaliers de la Table Ronde ? Vous retrouverez grâce à Yvain ou le Chevalier au lion, la tradition celte, la Bretagne, la légende arthurienne. C’est aussi un des meilleurs exemples de Roman courtois, genre populaire du Moyen-Âge, idée que partageait son auteur selon Jean-Pierre Foucher. Il est écrit en vers octosyllabiques, c’est donc également un sacré travail. Mais soyons honnête, pour nous francophones du XXIe siècle, le français de cette époque est à peu près aussi compréhensible que le Chinois d’aujourd’hui. On exagère, ça reste possible, mais si vous avez accès à des versions modernisées, ça vous soulagera.
- Dante Alighieri – Divina Commedia – 1320 : le sommet de la vision chrétienne médiévale. Cette œuvre est tellement extraordinaire qu’elle a valu à son auteur d’entrer dans le dictionnaire français grâce à l’adjectif : dantesque. «Par référence à la description de l’enfer dans la Divine Comédie. Grandiose et terrifiant.», c’est la définition qu’en donne le dictionnaire de l’Académie française. La Comédie, de son nom originel, fut maintes et maintes fois étudiées, tant l’œuvre est riche et fournie. Voici ce qu’en disait Balzac, dont la «Comédie humaine» est directement une référence à la «Divine Comédie» : «la merveilleuse charpente d’idées sur laquelle le plus grand poète italien a construit son poème, le seul que les modernes puissent opposer à celui d’Homère».
- Nicolas Machiavel – Le Prince – 1532 : voici une autre œuvre qui valut à son auteur d’entrer dans le dictionnaire : machiavélique. L’Académie française en donne la définition suivante : «Qui a recours à la ruse, à la dissimulation, et ne s’embarrasse pas de scrupules pour parvenir à ses fins.», en précisant : terme péjoratif. La réputation n’est pas flatteuse, il faut dire que Machiavel laisse de côté la morale, pour s’intéresser à un seul objectif : maintenir le pouvoir du Prince, c’est-à-dire du chef d’État – aujourd’hui ce serait le Président. Son œuvre est encore riche d’enseignement, à la fois pour les gouvernants mais aussi pour les gouvernés. Comme l’explique Rousseau, «en feignant de donner des leçons aux Rois il en a donné de grandes aux peuples.». Si vous voulez voir de la vraie politique pure et cruelle pour certains, réaliste pour d’autres, alors allez-y. En plus le livre se lit très bien et vite ! Juste, si vous n’êtes pas passionnés par l’histoire, vous avez le droit de passer les nombreux exemples historiques que Machiavel, en grand érudit, ne se prive pas de détailler.
- Rabelais – Gargantua – 1534 : «il n’y a rien de tel comme torchecul qu’un oisillon bien duveteux, pourvu qu’on lui tienne bien la tête entre les jambes. Et croyez-moi sur mon honneur. Car vous sentez au trou du cul une volupté mirifique» Ça vous donne une idée de la poésie de Rabelais ! un langage cru, de l’humour, de la critique acerbe, du progressisme… Ca ne vous donne pas envie ?
- Michel de Montaigne – Les Essais – 1580 : Sans conteste un des esprits les plus brillants, Montaigne est l’auteur qui aura le plus décortiqué son propre moi. «je suis moi-même la matière de mon livre». Mais ne vous y trompez pas : cette œuvre de toute une vie (Montaigne l’a travaillée jusqu’à sa mort et il y écrit notamment la célèbre formule « Que philosopher, c’est apprendre à mourir ») est un trésor pour votre vie à vous. N’est-ce pas une chance incroyable de se dire que vous tenez entre les mains toutes les réflexions, toute la sagesse d’un homme exceptionnellement intelligent condensée en juste trois livres ? Car oui, il y a trois tomes, ce qui peut paraître beaucoup à certains, mais il faut savoir qu’ils sont tous organisés en petits chapitres indépendants les uns des autres, et vous pouvez vous amusez à picorer ça et là dans les thèmes qui vous intéressent le plus. Là aussi, le texte en français modernisé sera plus facile à lire que le texte originel.
- William Shakespeare – Hamlet – 1603 : To be or not to be. Ces 6 mots auront déjà suffi nombre d’entre vous à s’attaquer à cette immense œuvre de la littérature. Pour les autres, on peut préciser que Shakespeare a tout de même écrit cette œuvre à l’âge de 21 ans seulement (!), en la remaniant jusqu’à ses 36 ans, cette nouvelle version comportant presque le double de pages. Shakespeare aura également défendu son œuvre sur scène, puisqu’il interpréta lui-même le rôle du spectre du père. Si vous n’avez jamais lu ou vu une œuvre de Shakespeare, alors c’est le moment !
- Cervantes – Don Quichotte – 1605 : grâce à l’humour et la parodie, Don Quichotte est une critique de la société espagnole. Si pour certains cette œuvre est tout simplement très drôle, il y en a d’autres qui sont très, très sérieux à propos de l’ouvrage, comme le célèbre philosophe Michel Foucault qui voit dans cette œuvre – attention c’est du lourd, mieux vaut bien vous accrocher – : 1. «la raison cruelle des identités et des différences (qui se joue) à l’infini des signes et des similitudes» 2. «le langage (qui) y rompt sa vieille parenté avec les choses» et 3. «la ressemblance (qui) entre là dans un âge qui est pour elle celui de la déraison et de l’imagination.». Bref, sinon vous pouvez le lire normalement et avec plaisir, ça se lit beaucoup plus facilement que l’idée qu’en donne Michel Foucault.
- Pierre Corneille – Le Cid – 1637 : en bonne tragédie, Corneille respecte les 3 règles : unité de l’action (en glissant tout de même une intrigue secondaire), unité de temps (même si Corneille l’a trouvée incommode) et unité de lieu (sauf que Corneille y déroge puisqu’il utilise 3 lieux différents). Vous l’avez compris, c’est pas parfait au niveau du des codes qu’avaient théorisé Aristote pour la tragédie. Mais pour le reste, tout est parfait : l’histoire est palpitante, la tension est palpable, et tout autre adjectif en palp-. Le Cid n’est pas seulement une tragédie, c’est une tragi-comédie. On y trouve également deux des plus célèbres citations du théâtre : «Ô rage! ô désespoir! ô vieillesse ennemie! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?», et encore la gradation : «Va, cours, vole, et nous venge».
- René Descartes – Discours de la méthode – 1637 : René Descartes, c’est en quelque sorte le plus grand paranoïaque que vous avez jamais lu. C’est celui qui se dit : et si depuis que je suis né tout le monde m’a menti ? et si tous les professeurs que j’ai eu m’ont raconté n’importe quoi ? et si tout ce qui se passe est un énorme complot contre moi, fomenté par l’esprit le plus diabolique au monde ? Le Discours de la méthode est une réponse géniale et écrite dans un style exemplaire de clarté et de simplicité. Ici, il n’est pas question de longues logorrhées obscures et confuses. Le langage au contraire est clair, précis, et puissant. Tout le monde peut s’y retrouver et se mettre à la place de René Descartes. C’est aussi ici que se trouve la formule la plus célèbre de la philosophie française : «Cogito ergo sum».
- Thomas Hobbes – Le Léviathan – 1651 : Alors disons-le tout de suite, autant on vante la simplicité et la brièveté de certains ouvrages de cette liste, autant ici c’est un monument, un énorme pavais. Les deux premières parties sont les plus intéressantes et vous suffiront : «De l’homme» et «De l’Etat». N’hésitez pas à sauter les chapitres qui ne vous passionnent pas. Dans ces deux parties, Hobbes explique pourquoi les hommes vivent en société, pourquoi il y a un Etat, et qu’est-ce qu’un Etat. Sa thèse est extraordinairement percutante, si l’on résume vite : à l’état de nature, tous les hommes sont livrés à leur pulsion et c’est le chaos. Pour sortir de cette «guerre de tous contre tous», tous les hommes se réunissent et décident de canaliser toute leur violence, en faisant un pacte. Ce pacte social, par lequel chacun promet la paix, c’est ce qui fonde l’Etat.
- Molière – Dom Juan ou Le Festin de pierre – 1665 : festival d’humour et de profondeur, cette pièce de théâtre est surtout portée par les répliques impertinentes de Dom Juan, grand amateur de femmes. Si Molière prend beaucoup de libertés sur la forme, Dom Juan en prend encore plus sur le fond du discours. Alors qu’il était probablement voué à être un caractère haïssable, Dom Juan devient en fait attachant, surtout lu depuis notre siècle, où l’athéisme est beaucoup plus commun. Encore une fois, si vous aimez l’impertinence et la pensée contradictoire, ce livre est pour vous.
- Blaise Pascal – Les Pensées – 1669 : chaque pensée est un régal pour l’esprit, et peut se méditer des heures. Vous trouverez là un condensé posthume des réflexions de Pascal, autrement connu pour avoir créé la calculette (à 19 ans !), et participé à la fondation des probabilités. Car Pascal est à la fois un grand philosophe, un grand scientifique (mathématicien et physicien), et un grand homme religieux. Il expérimenta notamment un moment mystique, dont on a encore les traces puisqu’il l’a mis en écrit, et se tourna vers la doctrine du jansénisme (christianisme réformé par Jansen). Vous aurez un véritable plaisir à piocher chaque soir dans les Pensées ! Florilège : «Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.» «Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point» «Le moi est haïssable.» (Il détestait Montaigne en cela) «Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie.»
- Molière – Le Malade imaginaire – 1673 : vous allez éclater de rire. Si vous ne riez pas en découvrant cette pièce de théâtre, c’est que vous n’avez pas mis le ton en la lisant ou que vous l’avez regardé avec les mauvais acteurs. Cette pièce fut peut-être l’occasion d’une des morts les plus ironiques de l’histoire : en effet, la douleur de Molière ne fut pas du tout imaginaire lorsqu’il s’évanouit sur scène alors qu’il jouait le rôle d’Argan, décédant peu après.
- Spinoza – Éthique – 1677 : avec une précision géométrique (si, si, on insiste, Spinoza procède de façon mathématique), Spinoza démontre Dieu, la nature, et les sentiments. Rien que ça. Mais il a une vision un peu spéciale de Dieu. Dieu est parfait, et par conséquent il englobe tout, vous comme moi et tout le reste du monde. Tout se fait par nécessité. Spinoza est un auteur brillant qui a pensé contre son temps. Vous aurez un plaisir particulier à lire les scolies, où Spinoza fait ses commentaires et règle au passage ses comptes.
→ LISTE 2 – Les livres les plus importants à lire avant de mourir 2/5