Raymond Boudon (1934-2013) est un grand représentant de la sociologie française du siècle passé et en cours. Ses études l’ont poussé à s’intéresser aux inégalités entre les différents individus en fonction de leur milieu.
Dans son ouvrage de l’Inégalité des chances, page 96, Raymond Boudon fait le constat d’une indéniable causalité entre les résultats scolaires d’un enfant et sa famille. Pour étayer cette observation, Raymond Boudon se sert d’une étude menée par Girard et Clerc en 1964. Nous vous proposons d’en suivre le raisonnement ci-dessous.
L’explication des inégalités devant l’enseignement à partir des différences dans la valeur du capital culturel transmis à l’enfant par sa famille est un thème aujourd’hui familier sur lequel il est inutile d’insister longuement.
L’importance de ce facteur est attestée par de nombreuses études. Voici, à titre d’exemple, un tableau emprunté à Girard et Clerc (1964). Ce tableau est tiré d’une enquête conduite auprès d’un échantillon de près de 21 000 enfants français ayant, en juin 1962, atteint la fin de la dernière année de l’enseignement primaire (cours moyen, seconde année). On y voit que la valeur scolaire des enfants, telle qu’elle est appréciée par l’instituteur est, en moyenne, d’autant plus élevée que la famille et par conséquent l’enfant appartiennent à un degré plus élevé de la hiérarchie sociale (tableau 2.1).
La même étude montre par ailleurs que, surtout au jeune âge, la réussite scolaire varie, à niveau de revenu égal, avec le niveau culturel des parents, mesuré par le diplôme le plus élevé détenu par l’un ou l’autre des parents. Ce résultat indique clairement l’influence de l’héritage culturel sur la réussite scolaire de l’enfant. Plus exactement, il montre que le niveau culturel de la famille doit être considéré comme une dimension essentielle du statut social de la famille lorsqu’il s’agit d’expliquer la relation (au jeune âge) entre réussite scolaire de l’enfant et statut social de la famille.
Il importe toutefois de noter que, à mesure qu’on considère des enfants ou adolescents d’âge plus élevé, on constate, selon Girard et Clerc, une inversion de cette relation: ainsi dans le cas des adolescents parvenus aux dernières années de l’enseigne- ment secondaire, la relation entre revenu des parents et réussite scolaire des enfants, à niveau de diplôme des parents égal apparaît comme importante. En revanche, la relation entre diplôme des parents et réussite scolaire des enfants, à revenu égal des parents est faible. Nous verrons ultérieurement comment on peut interpréter ce résultat.
Raymond Boudon, L’inégalité des chances, 2e partie, II, 1973
Il ne s’agit pas d’interprétrer trop rapidement la pensée de Raymond Boudon, en se basant simplement sur ces extraits, qui comme l’indique Raymond Boudon, appellent une interprétation. Il faut plutôt comprendre ces extraits dans la totalité de l’œuvre originale, et voir par exemple une des conclusions, la 2e, que Raymond Boudon tire à la fin de L’inégalité des chances :
« Les différences dans la qualité de l’héritage culturel en fonction de la classe sociale n’expliquent que dans une mesure très limitée l’inégalité des chances devant l’enseignement. Elles expliquent les différences dans la réussite scolaire en fonction de l’origine sociale au jeune âge. Par contre, elles n’expliquent guère les disparités du niveau scolaire en fonction de l’origine sociale. »
Raymond Boudon, L’inégalité des chances, Conclusion, 1973
Cours d’économie/sociologie sur l’École / Éducation :
- Catégories socioprofessionnelles et résultats scolaires
- Analyse du lien entre démocratie et étude des sciences – Alexis de Tocqueville
- L’inégalité des résultats scolaires à cause de la famille – Raymond Boudon
→ Culture générale : l’École
→ Culture générale : les Inégalités