Sociologie et État

Dans ce cours sur l’État d’un point de vue sociologique, nous aborderons de nombreux sujets : la politique gère les conflits sociaux en tranchant entre des processus contradictoires, souvent en instituant l’État qui monopolise la fiscalité et la violence légitime. Nous verrons comment Max Weber identifie trois types de domination légitime : traditionnelle, légale-rationnelle et charismatique. Et nous aborderons l’influence de réformes comme le New Public Management, qui segmentent et rationalisent les fonctions étatiques sans les démanteler. Toutes ces transformations montrent l’adaptabilité et la persistance de l’État en tant qu’acteur central dans la société.

La Politique : un instrument pour gérer les conflits sociaux

La politique est née de la nécessité de gérer les conflits inhérents à la vie en société. Elle se présente comme un moyen de trancher entre des processus contradictoires, offrant une solution face aux désordres potentiels de la vie collective. Selon le philosophe Maurice Merleau-Ponty, la politique permet de gérer ce qu’il appelle le « maléfice de la vie à plusieurs ». Deux approches opposées se dessinent pour gérer ces conflits : laisser faire ou instituer l’État.

L’État se construit par un double mouvement de monopolisation :

  1. Monopolisation fiscale : L’État devient la seule entité autorisée à prélever des contributions financières auprès des citoyens.
  2. Monopolisation de la violence légitime : L’État détient le monopole de l’usage légitime de la violence.

Progressivement, l’État devient l’unique détenteur du droit de lever l’impôt et d’exercer la violence, entraînant les individus à se contrôler eux-mêmes. Pour Norbert Elias, ce processus de fabrication de l’habitus est intrinsèquement lié à la formation de l’État.

La Construction de l’État : De la Concurrence à la Monopolisation

Au départ, la situation était marquée par une concurrence intense, y compris des conflits armés au sein des dynasties régnantes. Par un jeu d’équilibre et de tensions, le candidat à la monopolisation absolue du pouvoir impose sa volonté par la force. La cour royale devient alors un outil central dans ce processus, agissant comme un espace de distribution des richesses symboliques et matérielles. Cependant, ce système se grippe lorsqu’il ne peut plus accueillir de nouveaux entrants, notamment la bourgeoisie émergente.

La cour impose des règles strictes de cohabitation dans des espaces restreints, conduisant à des comportements de soumission symbolique. La capacité d’autocontrôle devient une condition d’accès à la cour, intégrant ainsi les individus dans le processus de civilisation et de monopolisation étatique.

Max Weber et les fondements de la domination légitime

Max Weber s’interroge sur les mécanismes qui fondent la légitimité de la domination et les moyens concrets d’exercice du pouvoir. Il distingue entre pouvoir et domination, en définissant le pouvoir comme la capacité d’imposer sa volonté même contre des résistances, et la domination comme la chance de trouver des personnes prêtes à obéir à un ordre déterminé.

Weber identifie trois idéaux-types de légitimité de la domination :

  1. Domination traditionnelle : Basée sur la croyance en la sainteté des traditions.
  2. Domination légale-rationnelle : Fondée sur la légalité des règlements et le droit de donner des directives.
  3. Domination charismatique : Reposant sur la soumission à une personne considérée comme extraordinaire.

Pour Weber, la bureaucratie est un élément central de la rationalisation occidentale. Elle se caractérise par des règles explicites, une organisation hiérarchique et un contrôle des compétences, réduisant l’arbitraire et augmentant l’efficacité.

Critiques et diversité des trajectoires étatiques

Les travaux de Weber et Elias ont été critiqués pour leur focalisation sur des modèles étatiques issus de la féodalité européenne. Certains États se sont construits en s’émancipant de la tutelle d’autres États ou en suivant des trajectoires moins centralisées.

Selon Ertman, la diversité des formes étatiques peut être expliquée par deux variables : les institutions représentatives et la concurrence entre entités politiques. Il distingue entre les assemblées d’ordre (Noblesse, Clergé, Tiers-État) et les assemblées locales, chaque type influençant différemment la structure politique.

L’État contemporain et les politiques publiques

L’analyse de l’État moderne s’intéresse aux politiques publiques et à la manière dont certains problèmes deviennent des enjeux publics. L’État est traversé par une multitude d’acteurs, devenant ainsi une entité sociale poreuse. La politique économique, par exemple, échappe de plus en plus au contrôle direct de l’État, notamment avec la gestion monétaire confiée aux banques centrales.

Le New Public Management (NPM) a transformé la vision et les fonctions de l’État. Cette doctrine prône une séparation entre les fonctions stratégiques et d’exécution, segmentant les grandes bureaucraties en agences autonomes et utilisant des contrats comme outils de négociation. Toutefois, ces réformes n’ont pas conduit à la disparition de l’État, mais plutôt à une réorganisation de son emprise sur la société.

Philippe Bezes souligne que l’État français n’est pas immobile ; il se réforme sans se démanteler. Différents ministères, comme celui de l’Intérieur ou du Budget, ont adopté des mesures du NPM pour faire face à leurs propres défis, comme la décentralisation ou la gestion du déficit.

Les rapports des années 1990 et les commissions de travail ont joué un rôle clé dans l’introduction de ces réformes au sein de l’appareil d’État. Par ailleurs, des transformations similaires ont eu lieu au Royaume-Uni, où l’autonomisation des services publics, comme les hôpitaux, a conduit à une adoption progressive des logiques de marché et de concurrence.

L’organisation de l’État s’est profondément transformée, avec une emprise accrue malgré la disparition de la bureaucratie intégrée traditionnelle. Les réformes inspirées du NPM et la nouvelle organisation des services publics ont modifié les comportements des acteurs étatiques, montrant que l’État reste un acteur central, capable de se réinventer pour s’adapter aux nouvelles exigences politiques et économiques.

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