Les migrations humaines sont un phénomène ancien qui continue de façonner notre monde contemporain. En dépit de l’impression de nouveauté souvent véhiculée par l’actualité, les mouvements de population ont toujours été influencés par divers facteurs tels que le climat, l’économie et les conflits. Cet article explore ainsi les dynamiques migratoires actuelles, en se concentrant sur les tendances observées en France et dans les pays de l’OCDE depuis les années 2000, puis les années 2010, et enfin les années 2020.
Les migrations : un phénomène ancien et toujours d’actualité
Les migrations humaines ne sont pas un phénomène nouveau, bien que l’opinion publique puisse parfois en donner une impression contraire. En réalité, l’histoire est marquée par des déplacements constants de populations, souvent en réponse à des changements climatiques, environnementaux ou socio-politiques. Durant la guerre froide, l’Europe a semblé stable, ce qui a pu masquer cette réalité. Aujourd’hui, les naufrages en Méditerranée, la fermeture des frontières et les camps de migrants, comme ceux de Calais, rappellent que les migrations sont plus que jamais un sujet d’actualité. En France, par exemple, un ambassadeur pour les migrations a été nommé en 2017 pour travailler avec les pays de départ et de transit des migrants.
En latin, « migratio » signifie « passage d’un lieu à un autre ». On distingue les immigrants (qui entrent dans un territoire) des émigrants (qui quittent leur pays d’origine). Un étranger est une personne résidant dans un pays dont elle n’a pas la nationalité, tandis qu’un immigré est une personne née étrangère à l’étranger mais résidant depuis au moins un an dans un pays. Les immigrés peuvent acquérir la nationalité du pays d’accueil par naturalisation ou mariage et jouir des mêmes droits civils et civiques que les natifs. Un réfugié est une personne à qui un État accorde protection en raison de persécutions subies dans son pays d’origine, conformément à la Convention de Genève de 1951. Un demandeur d’asile, quant à lui, est une personne en attente de la reconnaissance de son statut de réfugié.
Les migrations depuis les années 2000
Aucune région du monde n’échappe aujourd’hui à la mondialisation des mouvements migratoires. Si le Nord, notamment les États-Unis, a longtemps été le plus attractif, les flux migratoires se diversifient. Le Mexique constitue le premier contingent de migrants vers les États-Unis. Les migrations s’organisent souvent selon les préférences linguistiques, les histoires coloniales et les proximités géographiques. Par exemple, les populations andines migrent vers l’Argentine, le Chili ou le Brésil, tandis que le Golfe attire des migrants du Proche et du Moyen-Orient. L’Afrique du Sud est également un pôle de convergence important pour les migrants africains.
Les migrations Sud-Sud représentent 33 % des flux mondiaux, tandis que les migrations Sud-Nord en représentent 40 %. L’Afrique, fournisseur de matières premières, voit des travailleurs chinois affluer sur son sol. En réponse à ces mouvements, les frontières se ferment de plus en plus, comme entre le Mexique et les États-Unis, ou autour de la Méditerranée et des zones hors de l’espace Schengen.
Les déséquilibres Nord-Sud structurent ces migrations : le vieillissement démographique (notamment en Europe, au Japon et en Russie), l’écart des niveaux de vie et les droits démocratiques motivent les départs. Les mouvements transnationaux permettent aux migrants de conserver leurs traits culturels malgré la distance géographique. Les diasporas, comme celles chinoise et indienne, jouent un rôle économique et politique significatif, notamment par les transferts financiers vers leur pays d’origine.
Les crises et les conflits augmentent le nombre de personnes déplacées, souvent vers des camps proches des zones de guerre. Depuis trente ans, peu de personnes déplacées ont pu regagner leur pays. Le Haut-Commissariat aux Réfugiés recense des conflits en Côte d’Ivoire, en Libye, au Mali, au Nigeria, en RDC, au Soudan du Sud, en Syrie, en Irak, au Yémen, en Ukraine, au Pakistan, entre autres. Les réfugiés vivent souvent dans des conditions précaires, sans infrastructures sanitaires adéquates ni accès à l’eau potable.
En outre, en ce début du 20e siècle, 38 millions de personnes étaient déplacées pour des raisons environnementales, en raison de phénomènes tels que les cyclones, la désertification, la montée du niveau des mers et les inondations. Les mégalopoles côtières d’Asie, densément peuplées, sont particulièrement exposées. Les Maldives pourraient disparaître, tandis que les inondations dans le delta du Zambèze pourraient déplacer 80 000 personnes.
Les migrations depuis les années 2010
Selon l’OCDE, en 2013, 232 millions de personnes vivaient en dehors de leur pays d’origine, représentant 3,2 % de la population mondiale. En trente ans, le nombre de migrants a triplé. Depuis 2000, la croissance du nombre de migrants est plus significative dans les pays du Sud que du Nord. Par exemple, l’Espagne compte 1 % d’étrangers, la France 5,6 %, la Suisse 19 % et les Émirats Arabes Unis 80 %.
Environ 15 % des migrants sont des enfants. En France, les motifs d’autorisation de séjour incluent les raisons familiales, les visas étudiants, les motifs humanitaires, les motifs économiques (en fonction des métiers) et diverses autres catégories. Les migrants arrivant en Europe ne sont généralement pas les plus pauvres de leur pays d’origine ; ceux-ci restent souvent dans des camps proches de leur pays natal. Les traversées coûteuses et souvent illégales alimentent le trafic de migrants, qui est la troisième source de trafic mondial après la drogue et les armes.
La mondialisation favorise la libre circulation pour certaines classes sociales, notamment les étudiants et les professionnels qualifiés, mais elle exacerbe également le « brain drain » (exode des cerveaux) des pays du Sud. Parallèlement, les populations moins qualifiées sont souvent refoulées aux frontières. Les mobilités temporaires peuvent se transformer en migrations durables, remettant en question la distinction entre migration et tourisme, comme le montrent les retraités qui choisissent de vivre à l’étranger.
Dans les années 2010, environ 20 millions de personnes vivaient dans des camps, souvent dans des conditions provisoires en raison de conflits au Moyen-Orient, en Afrique, ainsi que de catastrophes naturelles en Haïti et à Fukushima. Certains camps, comme celui de Grande-Synthe près de Dunkerque, visent à désengorger des lieux comme Calais. D’autres, situés en périphérie des grandes villes, accueillent des populations discriminées, comme les Roms. Les camps de rétention en France, comme ceux de Lampedusa, sont controversés en raison des conditions de vie et de la présence d’enfants.
La multiplication des bidonvilles autour des agglomérations, où vivent notamment des populations roms discriminées, illustre les nouvelles migrations apparues avec la chute des régimes soviétiques. Ces populations, issues de Roumanie, de Bulgarie, de Hongrie et de Slovaquie, sont souvent victimes de l’ethnicisation de la pauvreté et de la délinquance.
Le dynamisme économique des pays dépend des migrations, notamment dans un contexte de vieillissement de la population et de faible croissance. Les besoins en main-d’œuvre augmentent dans des secteurs non délocalisables comme l’agriculture, le bâtiment, la santé et l’hôtellerie. Cependant, les politiques de fermeture et de sécurisation des frontières se sont renforcées depuis les années 1990. Le drame de Lampedusa, où 336 migrants ont péri, illustre les difficultés de l’Europe à gérer la crise migratoire. Pour y remédier, les États européens envisagent de répartir les migrants entre les pays, mais la logique des quotas peine à s’imposer. Ils tentent également de dialoguer avec les pays de départ et de transit pour stabiliser les populations proches des zones de conflit et fournir une aide financière.
Les migrations dans les années 2020
En 2021, la France comptait 6 964 000 immigrés, représentant 10,3 % de sa population totale. Les immigrants proviennent principalement d’Afrique (48 %), d’Europe (33 %) et d’Asie (14 %). Depuis les années 1980, la migration en provenance du Maghreb est restée stable, avec une proportion significative de migrants venant de cette région. Les flux migratoires se sont diversifiés au début des années 2000, avec une augmentation notable des arrivées en provenance d’Afrique subsaharienne et d’Asie, tandis que l’immigration intra-européenne s’est facilitée grâce à la libre circulation. En 2021, 62 % des immigrés africains étaient originaires du Maghreb, une proportion constante depuis plusieurs décennies.
Dans les pays de l’OCDE, l’immigration a atteint des niveaux sans précédent. En 2022, plus de 6 millions de nouveaux immigrés permanents ont été enregistrés, sans compter les réfugiés ukrainiens. Cette augmentation est due à une hausse des admissions pour raisons humanitaires et à l’immigration régulée des travailleurs étrangers accompagnés de leurs familles. Certains pays, comme le Canada et le Royaume-Uni, ont battu des records absolus en termes de flux d’entrée. L’immigration de travailleurs temporaires, notamment saisonniers, a également connu une forte hausse, tout comme les admissions d’étudiants en mobilité internationale, qui ont frôlé les 2 millions pour la première fois. En juin 2023, environ 4,7 millions de réfugiés ukrainiens étaient recensés dans les pays de l’OCDE, l’Allemagne, la Pologne et les États-Unis en accueillant le plus grand nombre en termes absolus.
Les demandes d’asile dans l’OCDE ont également atteint un niveau historique en 2022, avec plus de 2 millions de nouvelles demandes, soit le nombre le plus élevé jamais enregistré. Cette hausse s’explique en grande partie par l’explosion des demandes aux États-Unis, qui ont atteint 730 000, contre moins de 190 000 en 2021. Les acquisitions de nationalité dans les pays de l’OCDE ont également atteint un chiffre record de 2,8 millions en 2022. Les migrations familiales sont restées la principale catégorie d’entrée des nouveaux immigrés permanents, représentant 40 % de l’ensemble des admissions à caractère permanent. En 2022, les principaux pays d’origine des demandeurs d’asile étaient le Venezuela, Cuba, l’Afghanistan et le Nicaragua. Dans plus de la moitié des pays de l’OCDE, le taux d’emploi des immigrés a atteint son plus haut niveau depuis plus de 20 ans, bien que les mères immigrées restent largement pénalisées sur le marché du travail par rapport aux femmes sans enfant et aux mères nées dans le pays.