Le Marquis de Sade, outre le langage abondamment cru de son ouvrage, nous éclaire sur un aspect de l’amour.
Ici, le Marquis de Sade par l’intermédiaire de Dolmancé tente de définir l’amour.
Il en établit la cause (le désir) et la conséquence (la folie).
Pour Dolmancé, tout amour peut être vaincu par une réflexion saine. Car l’amour nous saisit de façon foudroyante, il nous « enflamme ».
Dolmancé répondant à Eugénie :
Vous me parlez des liens de l’amour, Eugénie; puissiez-vous ne les jamais connaître! Ah! qu’un tel sentiment, pour le bonheur que je vous souhaite, n’approche jamais de votre cœur! Qu’est-ce que l’amour? On ne peut le considérer, ce me semble, que comme l’effet résultatif des qualités d’un bel objet sur nous; ces effets nous transportent; ils nous enflamment; si nous possédons cet objet, nous voilà contents; s’il nous est impossible de l’avoir, nous nous désespérons. Mais quelle est la base de ce sentiment?… le désir. Quelles sont les suites de ce sentiment?… la folie. Tenons-nous-en donc au motif, et garantissons-nous des effets. Le motif est de posséder l’objet: eh bien! tâchons de réussir, mais avec sagesse; jouissons-en dès que nous l’avons; consolons-nous dans le cas contraire: mille autres objets semblables, et souvent bien meilleurs, nous consoleront de la perte de celui-là; tous les hommes, toutes les femmes se ressemblent: il n’y a point d’amour qui résiste aux effets d’une réflexion saine. Oh! quelle duperie que cette ivresse qui, absorbant en nous le résultat des sens, nous met dans un tel état que nous ne voyons plus, que nous n’existons plus que par cet objet follement adoré!
Sade – La Philosophie dans le boudoir