La relation entre l’urbain et le rural à l’épreuve des mutations actuelles
A. La distinction entre urbain-rural et espace à dominante urbaine – espace à dominante
rurale
Bernard Henri Nicot, ingénieur et chercheur au SIRIUS, un service de l’Institut d’Urbanisme de
Paris, rappelle dans l’article « Urbain-Rural : de quoi parle-t-on ? », publié en juin 2005, la
distinction entre :
• d’une part, « urbain » et « rural » au sens strict.
• d’autre part, espace à dominante urbaine et espace à dominante rurale.
1. Urbain-Rural
L’urbain et le rural, que l’on peut aussi appeler plus justement milieux urbains et milieux ruraux, se
rapportent à la définition des unités urbaines. Ces unités urbaines sont fixées selon le critère des
2000 habitants. Il y a seulement trois exceptions : ce sont trois agglomérations dont une partie est
située à l’étranger, et qui avec cette partie atteindraient les 2000 habitants.
Pour autant, les communes de plus de 2000 habitants ne sont pas nécessairement urbaines. Ex :
Treillières, 6000 habitants. De même, les communes urbaines n’ont pas nécessairement plus de
2000 habitants : ex. Saint-Léonard, qui avait 77 habitants.
En effet, selon les critères de l’INSEE mis en place depuis 1954, sont réputées urbaines les
communes incluses dans une unité urbaine.
Il existe ainsi 1995 unités urbaines en métropole (dont 998 qui correspondent à une seule
commune).
Parmi les 36 570 communes de France métropolitaine, 7 227 sont urbaines en 2010, c’est-à-dire
qu’elles appartiennent à une unité urbaine.
2. Espace à dominante urbaine – espace à dominante rurale
Dans les années 1990 a été élaborée la notion de zonage en aires urbaines (abrégée ZAU).
L’INSEE définit l’aire urbaine comme : « un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans
enclave, constitué par un pôle urbain, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne
périurbaine) dont au moins 40% de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle
ou dans des communes attirées par celui-ci. »
Un pôle urbain est « une agglomération de communes offrant 5000 emplois ou plus. »
Les « communes multipolarisées des grandes aires urbaines » sont les communes dont au moins
40 % des actifs occupés résidents travaillent dans plusieurs grandes aires urbaines, sans atteindre
ce seuil avec une seule d’entre elles, et qui forment avec elles un ensemble d’un seul tenant.
Les « autres communes multipolarisées » sont les communes situées hors des grandes aires
urbaines, des moyennes aires, des petites aires, hors des communes multipolarisées des grandes
aires urbaines dont au moins 40 % des actifs occupés résidents travaillent dans plusieurs aires,
sans atteindre ce seuil avec une seule d’entre elles, et qui forment avec elles un ensemble d’un
seul tenant.
L’ensemble formé par les aires urbaines et les communes multipolarisées constitue l’espace à
dominante urbaine. Le reste est l’espace à dominante rurale.
3. Superposition et non superposition de l’urbain-rural et des espaces à dominante urbaine ou
rurale.
il ne faut donc pas confondre ces espaces à dominante urbaine ou rurale avec les milieux urbains
ou ruraux.
On remarque ainsi que l’espace à dominante urbaine comprend plus de 13 000 communes
rurales, ce qui représente 7,7 millions d’habitants, tandis que l’espace à dominante rurale
comprend 1400 communes urbaines, ce qui représente 3,9 millions d’habitants.
Même si la confusion est entretenue par des taux d’urbanisation très proches pour les deux
notions : au recensement de 2007, 77,5 % de la population métropolitaine vit en milieu urbain
(47,9 millions d’habitants), contre 82% en espaces à dominante urbaine.
B. La précision des échelles permet d’identifier un phénomène contemporain de
rurbanisation
1. La crise globale du couple urbain-rurbain
Christian Vandermotten, docteur en sciences géographiques et licencié en urbanisme, met en
garde contre une analyse qui ne prendrait pas en compte les différentes des échelles. « Analyser
le renouveau apparent du monde rural dans les pays centraux ne peut donc se faire que
moyennant une attentive précision des échelles de l’analyse », écrit-il dans un article intitulé
« L’interaction urbain-rural : une problématique renouvelée ».
Christian Vandemotten met ainsi en valeur la notion de rurbanisation.
La rurbanisation est le développement de villages, aux noyaux souvent anciens, situés à proximité
de villes dont ils constituent des banlieues.
Or pour Vandermotten, « La rurbanisation ne doit donc pas tant s’interpréter comme la
conséquence de la crise urbaine, mais plutôt comme un des aspects, une forme nouvelle, d’une
crise globale du couple urbain – rurbain dans le contexte de mégapolisation. ».
La rurbanisation serait la conséquence d’un mouvement plus générale, à savoir la mégapolisation
mondiale, sous plusieurs formes :
l’idéologie de la « nature », mais fondées en dernière analyse sur les arbitrages entre rente
foncière et coût des transports, dans le cadre du système de régulation.
À plus petite échelle, la rurbanisation est aussi fonction des rapports économiques et sociaux
mondiaux, largement imposés par les forces économiques dominantes du centre, comme la sousestimation
du coût réel des transports, permettant tout à la fois la périurbanisation/rurbanisation et
le transfert de productions vers les pays de la périphérie pour maintenir les taux de profit, qui
entraîne à son tour un sous-investissement dans les secteurs productifs des pays centraux et une
concentration des capitaux disponibles sur des investissements spéculatifs, comme l’immobilier
urbain, avec pour conséquence une tendance accrue à rechercher des résidences loin des centres
des plus grandes villes.
2. La nécessité d’une politique en adéquation avec ces nouveaux rapports entre l’urbain et le rural
La rurbanisation a des conséquences néfastes. Sept effets négatifs peuvent être identifiés :
• la consommation d’espace,
• la déstructuration des paysages et des valeurs patrimoniales,
• un accroissement désordonné des mobilités, principalement individuelles,
• un accroissement de surcoûts énergétiques,
• un accroissement des difficultés d’accès au logement pour les populations rurales de souche,
• un affaiblissement de la base fiscale des villes centrales
• une augmentation des charges immobilières et des contraintes environnementales pesant sur
les populations urbaines.
Ces problématiques, qui prennent en compte l’évolution des rapports contemporains entre l’urbain
et le rural, ne peuvent être dépassées que par une analyse fine des échelles considérées.
Les politiques que pourraient appeler ces transformations dans les espaces urbains ou rurbanisés,
telles que la régulation de l’usage du sol, la régulation des prix de l’immobilier, nécessiteraient la
mise en place de politiques à l’échelle des grandes aires métropolitaines. Cela implique
notamment une péréquation, (c’est-à-dire un mécanisme de redistribution qui vise à réduire les
écarts de richesse, et donc les inégalités, entre les différentes collectivités territoriales) entre les
villes et les aires périurbaines.
Les politiques menées dans les espaces ruraux périphériques éloignés répondent à une évolution
différente. Il est nécessaire dans ces espaces d’encourager la disponibilité de services,
l’accessibilité, les activités industrielles ou de service, l’accueil de nouveaux habitants.
Cette redéfinition de l’urbain et du rural pose finalement la question de la légitimité démocratique
pour le développement de ces espaces. En particulier, il s’agit de savoir si les ruraux doivent seuls
pouvoir décider de l’espace rural, ou si les urbains doivent aussi prendre part au processus
décisionnel, et réciproquement pour ce qui est de l’espace urbain.
Bibliographie :
Bernard Henri NICOT, « Urbain-Rural : de quoi parle-t-on ? », juin 2005
Christian Vandermotten, « L’interaction urbain-rural : une problématique renouvelée », Articulo –
Journal of Urban Research [Online], Special issue 3 | 2010, Online since 13 December 2010,
connection on 02 February 2015. URL : http://articulo.revues.org/1604 ; DOI : 10.4000/articulo.
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