John Locke, philosophe emblématique du XVIIe siècle, a marqué la pensée politique et philosophique par ses théories révolutionnaires sur l’empirisme, la nature de l’État et les droits individuels. Locke développe des idées qui contestent l’absolutisme et promeuvent la liberté et l’égalité naturelles. Ce cours explore sa vie, son contexte historique, ses critiques des idées métaphysiques et patriarcales, et sa vision novatrice de la société civile et du contrat politique. Enfin, nous aborderons ses positions sur la tolérance religieuse et le droit de résistance, qui ont façonné les fondements de la pensée libérale moderne.
La vie de John Locke et son contexte historique
John Locke, né en 1632 dans une famille de marchands, est l’un des penseurs les plus influents de la philosophie politique et de l’empirisme. À l’âge de 16 ans, il est témoin de la Révolution anglaise, son père s’engageant dans l’armée du Parlement. De 1652 à 1658, Locke poursuit des études qui devaient initialement le conduire à une carrière ecclésiastique. Cependant, en 1658, il commence des études de médecine sans les achever. En 1666, il se lie à Lord Ashley, futur comte de Shaftesbury, avec qui il développe une relation étroite et durable.
Locke effectue deux séjours prolongés en France, en 1672 puis de 1675 à 1679, où il passe notamment un an à Montpellier pour des raisons de santé. Son séjour en France se prolonge à cause de l’échec de Shaftesbury dans sa tentative de révolution en 1684, rendant Locke suspect aux yeux du pouvoir anglais. Il retourne en Angleterre en 1689, peu après la Révolution britannique de 1688, une transition de pouvoir sans violence significative. De retour en Angleterre, Locke se plonge dans les débats politiques, religieux et économiques de son temps, participant à de nombreuses polémiques.
L’empirisme et la critique des idées métaphysiques
Locke est un fervent défenseur de l’empirisme, théorie selon laquelle l’esprit humain est initialement une tabula rasa, une ardoise vierge, sur laquelle les expériences de la vie inscrivent des connaissances. Contrairement aux philosophes comme Platon, Aristote, Augustin ou Thomas d’Aquin, qui ancrent la connaissance dans des éléments transcendants, Locke affirme que toutes les idées et connaissances proviennent de l’expérience sensorielle. Ce point de vue critique les idées métaphysiques et se rapproche des idées de Hobbes, bien que Locke ne soit pas d’accord avec l’idée hobbesienne que tout est matière.
Locke introduit également une dimension théologique dans sa pensée, affirmant que l’homme possède une essence divine. Il rejette l’idée que les sciences modernes peuvent fournir une méthode universelle applicable aux sciences politiques, une divergence majeure avec Hobbes. Locke soutient que le contrat social ne doit pas être absolutiste mais doit inclure une normativité naturelle, affirmant que la nature est une création de Dieu portant en elle les traces de l’ordre divin, la loi naturelle. Cependant, la connaissance de cette loi ne provient pas de la transcendance mais d’un processus rationnel accessible à chacun.
Critique de l’absolutisme et théorie politique de Locke
Locke s’oppose fermement à l’absolutisme, particulièrement aux théories de Robert Filmer qui justifiaient la monarchie absolue par la Bible. Filmer soutenait que la souveraineté des monarques descendait de la domination primitive d’Adam, assimilant le pouvoir politique à la domination paternelle. Locke réfute cette thèse, affirmant que tous les hommes sont naturellement libres. Dans Le Second traité du gouvernement, il critique Filmer en expliquant que la ressemblance de l’homme à Dieu concerne tous les hommes, et non seulement le père d’une famille, donc il n’y a aucune raison de privilégier le père.
Contrairement à Hobbes, pour qui l’état de nature est un état de guerre, Locke définit cet état comme un état de parfaite liberté et d’égalité réciproque. Les hommes, gouvernés par la loi naturelle, jouissent d’une liberté parfaite qui leur permet de suivre les préceptes de leur raison et de maintenir des relations pacifiques. Locke considère que la liberté naturelle est normée par la loi naturelle, qui commande non seulement la conservation de soi mais aussi celle des autres, faisant de la préservation de l’espèce une priorité morale.
Locke voit la propriété comme un droit naturel fondé sur le travail. Chaque individu est propriétaire de son corps et, par extension, de ce que son travail produit. Cette idée, présentée dans le chapitre 5 du Second traité, introduit la notion de la propriété pré-politique, ne nécessitant pas le consentement des autres pour être légitime. Locke énonce la « clause lockéenne », stipulant que l’appropriation doit répondre aux besoins individuels sans diminuer la qualité des biens pour autrui. Cela pose les bases d’une conception autonome de la vie économique et influence les libertariens des années 1970.
Locke considère que la société civile vise à remédier aux inconvénients de l’état de nature, où l’absence d’autorité commune rend la propriété vulnérable. Il identifie trois manques dans l’état de nature : une loi établie reconnue par tous, un juge impartial et une force exécutrice de la loi naturelle. Le contrat politique, pour Locke, est l’abandon volontaire par les hommes de leur pouvoir politique à un pouvoir impartial, assurant la justice naturelle. Ce contrat repose sur le consentement, critiquant ainsi l’absolutisme où le pouvoir est partial. Locke soutient que la règle de la majorité, garante de l’impartialité, justifie les décisions politiques.
La tolérance religieuse et le droit de résistance
Locke est également un ardent défenseur de la tolérance religieuse, considérant que l’État ne peut contraindre les âmes, seulement les corps. Cette séparation des sphères publique et privée est essentielle pour maintenir l’efficacité et la justice du contrat social. Locke propose un droit de résistance contre un gouvernement qui viole les principes du contrat social. Il précise que la résistance est légitime lorsque le pouvoir exécutif édicte des lois contraires, empêche les réunions législatives ou influence les élections. La société civile, unie politiquement, peut alors dissoudre un gouvernement oppressif.
En conclusion, Locke présente une vision de la liberté fondée sur la loi naturelle et la raison, opposée à la force arbitraire. Sa théorie du droit naturel insiste sur la séparation des pouvoirs législatif et exécutif, fondant la constitution sur le consentement de la société civile. Locke défend une organisation politique républicaine où la liberté est garantie par la loi et la tolérance religieuse, et où le droit de résistance protège contre les abus de pouvoir.
→ Peut-on agir moralement sans s’intéresser à la politique ? (correction)