La pensée de Jean-Jacques Rousseau

Jean-Jacques Rousseau, philosophe genevois du XVIIIe siècle, est une figure centrale de la pensée critique de son époque, notamment par sa remise en question des fondements de la modernité et de la société. Dans ce cours, nous verrons comment son œuvre, traversée par une réflexion profonde sur la nature humaine, la corruption sociale et le contrat social, offre une perspective radicale et innovante sur les enjeux politiques et moraux de son temps, au point d’être toujours une référence aujourd’hui.

La vie de Jean-Jacques Rousseau

Jean-Jacques Rousseau, né en 1712 à Genève, a mené une vie mouvementée marquée par de nombreux voyages. Afin d’échapper à la tyrannie de son tuteur, il quitte Genève et devient tour à tour serviteur et laquais. Il trouve refuge auprès de Madame de Warens, où il apprend la musique, le latin et la philosophie. En 1741, Rousseau s’installe à Paris et tente de faire connaître son traité de notation musicale. Par la suite, il se rend à Venise comme secrétaire de l’ambassadeur de France, avant de revenir à Paris en 1745 pour entamer une carrière philosophique.

Rousseau commence à fréquenter les salons parisiens et se lie notamment avec Denis Diderot. En 1750, il publie son Discours sur les sciences et les arts, suivi en 1754 par le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. En 1758, il rédige la Lettre à d’Alembert sur les spectacles. En 1761, il publie La Nouvelle Héloïse, puis en 1762 Du Contrat Social et Émile, ou De l’éducation. La publication de ces œuvres entraîne son arrestation et son exil en Suisse, puis en Angleterre chez David Hume. Il revient à Paris pour mener une existence tourmentée, décrite dans ses Rêveries du promeneur solitaire. Finalement il meurt à Ermenonville en 1778.

Rousseau et les Lumières

Les Lumières, période marquée par un optimisme intellectuel et une émancipation des autorités religieuses, sont également un moment où l’on valorise la raison humaine, la perfectibilité morale et politique par l’instruction et la culture. Les philosophes des Lumières, tels que Voltaire avec son fameux « écraser l’infâme », expriment une hostilité envers les religions institutionnelles, considérées comme sources d’ignorance. Ce mouvement trouve un écho dans toute l’Europe, notamment en Allemagne, en Angleterre et en Italie.

Contrairement à l’optimisme ambiant des Lumières, Rousseau propose une critique radicale de la modernité dans ses discours. Dans le Discours sur les sciences et les arts et le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, il décrit une société moderne génératrice de confort matériel mais marquée par une répartition inégale des richesses et des opportunités. Selon lui, la modernité conduit à une corruption de la nature humaine en raison de ses progrès matériels et scientifiques, sans pour autant améliorer la moralité de l’homme. Le luxe, par exemple, alimente l’oisiveté et favorise une répartition inéquitable des efforts productifs, tout en posant des questions de corruption morale. Rousseau soutient que le désir de posséder et de se distinguer détruit le sens civique et favorise l’hypocrisie ; pour lui, l’envie, née de la compétition sociale, est amère tandis que la pitié est douce et naturelle. La pitié, sentiment d’égalité devant les souffrances de la vie, devient un affect central dans sa pensée politique. Cette pitié naturelle tempère l’amour de soi et assure la survie de l’espèce humaine, en contraste avec l’envie qui engendre frustration et rivalité.

Le contrat social et l’autonomie collective

Pour Rousseau, les maux sociaux sont structurellement inscrits dans la nature même de la société. Contrairement à des penseurs comme Hobbes ou Locke, Rousseau voit la société comme la source des maux humains. L’état de nature, bien que désormais impossible à retrouver, est une hypothèse nécessaire pour comprendre les bouleversements engendrés par la vie sociale.

Rousseau conteste l’idée d’une sociabilité naturelle de l’homme. À l’état de nature, l’homme est autarcique, satisfait de ses besoins limités et guidé par l’amour de soi, un désir simple de conservation. Il réfute également l’idée d’une guerre constante entre les hommes, soutenant que les conflits sont ponctuels et motivés par la nécessité de survie. La pitié naturelle, sentiment spontané de répugnance envers la souffrance d’autrui, tempère l’amour de soi et favorise l’entraide.

Le passage au politique, selon Rousseau, se fait avec l’invention de la propriété privée, un acte fondateur de la société civile. Ce changement historique, lié à la division du travail et à la technicisation de l’agriculture, conduit à des inégalités insupportables. Le contrat social qu’il propose vise à allier justice et intérêt dans un pacte d’aliénation totale et réciproque. La légitimité politique ne peut être fondée que sur le consentement des individus.

Dans le Contrat Social, Rousseau distingue la volonté générale, émanant de tous les citoyens, de la volonté particulière. La loi, expression de la volonté générale, garantit une dépendance égale et réciproque des citoyens, articulant liberté et obligations. Le peuple, en tant que souverain, indique les buts à atteindre tandis que le gouvernement, mandaté par le souverain, en assure la mise en œuvre. Rousseau prône une démocratie où chaque citoyen, en obéissant aux lois qu’il s’est fixées, conserve sa liberté.

Rousseau – Il n’y aura jamais de démocratie !

Rousseau – Liberté et égalité permettent le plus grand bien de tous

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