Bergson explore la relation entre matière et mémoire.
La conception du temps de Bergson est originale et s’oppose par exemple à la vision d’Albert Einstein.
Extraits de son œuvre.
Maintenant, en creusant au-dessous de ces trois hypothèses, je leur découvre un fond commun : elles tiennent les opérations élémentaires de l’esprit, perception et mémoire, pour des opérations de connaissance pure. Ce qu’elles mettent à l’origine de la conscience, c’est tantôt le duplicat inutile d’une réalité extérieure, tantôt la matière inerte d’une construction intellectuelle toute désintéressée : mais toujours elles négligent le rapport de la perception à l’action et du souvenir à la conduite. Or, on peut concevoir sans doute, comme une limite idéale, une mémoire et une perception désintéressées ; mais, en fait, c’est vers l’action que perception et mémoire sont tournées, c’est cette action que le corps prépare. S’agit-il de la perception ? La complexité croissante du système nerveux met l’ébranlement reçu en rapport avec une variété de plus en plus considérable d’appareils moteurs et fait esquisser simultanément ainsi un nombre de plus en plus grand d’actions possibles. Considère-t-on la mémoire ? Elle a pour fonction première d’évoquer toutes les perceptions passées analogues à une perception présente, de nous rappeler ce qui a précédé et ce qui a suivi, de nous suggérer ainsi la décision la plus utile. Mais ce n’est pas tout. En nous faisant saisir dans une intuition unique des moments multiples de la durée, elle nous dégage du mouvement d’écoulement des choses, c’est-à-dire du rythme de la nécessité. Plus elle pourra contracter de ces moments en un seul, plus solide est la prise qu’elle nous donnera sur la matière ; de sorte que la mémoire d’un être vivant parait bien mesurer avant tout la puissance de son action sur les choses, et n’en être que la répercussion intellectuelle. Partons donc de cette force d’agir comme du principe véritable ; supposons que le corps est un centre d’action, un centre d’action seulement, et voyons quelles conséquences vont découler de là pour la perception, pour la mémoire, et pour les rapports du corps avec l’esprit.
Pour Bergson, la mémoire ne va pas du présent au passé, mais commence directement dans le passé.
La vérité est que la mémoire ne consiste pas du tout dans une régression du présent au passé, mais au contraire dans un progrès du passé au présent. C’est dans le passé que nous nous plaçons d’emblée. Nous partons d’un « état virtuel », que nous conduisons peu à peu, à travers une série de plans de conscience différents, jusqu’au terme où il se matérialise dans une perception actuelle, c’est-à-dire jusqu’au point où il devient un état présent et agissant, c’est. à-dire enfin jusqu’à ce plan extrême de notre conscience où se dessine notre corps. Dans cet état virtuel consiste le souvenir pur.