Karl Popper (1902 – 1994) est un philosophe et scientifique de l’ère contemporaine, incontournable dans la réflexion sur les sciences.
Dans La quête inachevée, Karl Popper écrit à propos de la science :
1. Le rôle du scientifique est de critiquer
« J’en arrivai de la sorte, vers la fin 1919, à la conclusion que l’attitude scientifique était l’attitude critique. Elle ne recherchait pas des vérifications, mais des expériences cruciales. Ces expériences pouvaient bien réfuter la théorie soumise à l’examen ; mais jamais elles ne pourraient l’établir. »
La quête inachevée, Karl Popper, 1981
2. Théorie de l’imprégnation
Karl Popper présente la théorie de l’imprégnation de Konrad Lorenz :
« Cette théorie implique que les jeunes animaux sont dotés d’un mécanisme inné qui leur permet d’arriver immédiatement à des conclusions inébranlables. »
3. La notion de falsifiabilité
« lorsqu’un peu peu plus tard j’introduisis, à titre expérimental, la notion de falsifiabilité (ou testabilité ou réfutabilité) d’une théorie comme critère de démarcation, je m’aperçus très vite que toute théorie peut être « immunisée » contre la critique (…). Si nous laissons cette immunisation se produire, alors, aucune théorie ne peut plus être falsifiée. Il faut donc proscrire, au moins, quelques immunisations. »
La quête inachevée, Karl Popper, 1981
Ainsi Popper décrit ensuite quatre exemples :
a) Les théories métaphysiques, qui ne sont ni falsifiables ni testables.
b) des théories psychanalytiques ou le savoir (suffisamment vague) de l’astrologie, qui ne sont non plus ni falsifiables ni testables.
c) des théories « non sophistiquées » du genre : « Tous les cygnes sont blancs ». Ces théories sont falsifiables bien qu’évidemment on puisse éviter les falsifications : l’immunisation est toujours possible. Mais les manoeuvres de protection seraient en général malhonnête, en disant par exemple qu’un cygne noir n’est pas un cygne.
d) le cas du marxisme, pour lequel « on peut considérer que la théorie de Marx a été réfutée par les événements« , et « La réinterprétation de la théorie de la révolution de Marx, destinée à échapper à cette falisification (…) la transformant en un marxism vulgaire (ou socio-analytique) »
e) des théories plus abstraites commes celles de la gravitation de Newton ou d’Einstein, qui sont falsifiables.
4. Les sciences naturelles ne sont pas des sciences inductives
« Je compris pourquoi la théorie erronée de la science qui avait dominé depuis Bacon – d’après laquelle les sciences naturelles seraient des sciences inductives et l’induction la démarche consistant à établir ou justifier les théories par des observations ou des expériences répétées – était si profondément ancrée. »
La quête inachevée, Karl Popper, 1981
5. Toutes les théories scientifiques non falsifiées sont des hypothèses
« les théories scientifiques, si elles ne sont pas falsifiées, restent toujours des hypothèses ou des conjectures »
La quête inachevée, Karl Popper, 1981
Le livre auquel vous faites référence s’intitule la quête inachevée. Merci
L’approche poppérienne a permis d’élucider des points importants concernant le problème de la croissance du savoir scientifique. La relation que Popper a établi entre l’empiricité (la possibilité du rapport avec l’expérience) et la réfutablilité est une relation formelle (v. notamment La logique de la découverte scientifique). Au delà donc du problème de l’empiricité, cela implique que l’on doive admettre que l’épistémologie est une science formelle, et non, comme le pensaient de nombreux auteurs, une discipline historique, ou sociologique, ou psychologique, etc. (v. mon site perso: http://www.dblogos.net/er/index.php). Ce caractère formel de l’épistémologie a lui-même comme conséquence qu’il n’admet pas de dérogation: toute théorie qui prétend, non pas être vraie (Popper montre qu’on ne peut pas prouver la vérité d’une théorie, même si l’on dispose d’une théorie vraie), mais au moins avoir un rapport avec la réalité, doit être réfutable par l’expérience. Les exemples de systèmes de pensée non réfutables cités ici ne sont pas exhaustifs: on pourrait aussi en économie mentionner Milton Friedman, disant que c’est une idée fausse, et qui a causé de grands dommages, de vouloir tester les postulats. On peut trouver un autre exemple de non respect du principe de falsifiabilité (ou de réfutabilité) en économie, d’ailleurs à l’origine des travaux de Mandelbrot en économie et en finance, dans la pratique qui consiste à sélectionner les données (par exemple les indices boursiers) de façon à obtenir des répartitions gaussiennes, en excluant les valeurs extrêmes (j’utilise cet exemple dans le dernier article sur mon site). L’approche poppérienne, qui se situe explicitement dans la lignée de certains textes épistémologiques d’Einstein (notamment La géométrie et l’expérience), est bien intégrée depuis longtemps en physique, biologie, etc. Mais c’est précisément là où cette approche n’est pas prise en compte que la prise de conscience de sa fécondité peut être la plus profitable.