Aristote au premier chapitre de La Politique fait le lien, voire propose une hiérarchie, entre la famille, le village, et l’État.
Selon Aristote, l’homme est « naturellement sociable », c’est-à-dire naturellement voué à se réunir dans des villes. Ces villes, lorsqu’elles sont assemblées, forment l’Etat, et par conséquent l’Etat est un fait de nature.
§ 7. L’association première de plusieurs familles, mais formée en vue de rapports qui ne sont plus quotidiens, c’est le village, qu’on pourrait bien justement nommer une colonie naturelle de la famille ; car les individus qui composent le village ont, comme s’expriment d’autres auteurs, « sucé le lait de la famille » ; ce sont ses enfants et « les enfants de ses enfants ». Si les premiers États ont été soumis à des rois, et si les grandes nations le sont encore aujourd’hui, c’est que ces États s’étaient formés d’éléments habitués à l’autorité royale, puisque dans la famille le plus âgé est un véritable roi; et les colonies de la famille ont filialement suivi l’exemple qui leur était donné. Homère a donc pu dire: « Chacun à part gouverne en maître Ses femmes et ses fils. »
Dans l’origine, en effet, toutes les familles isolées se gouvernaient ainsi. De là encore cette opinion commune qui soumet les dieux à un roi ; car tous les peuples ont eux-mêmes jadis reconnu ou reconnaissent encore l’autorité royale, et les hommes n’ont jamais manqué de donner leurs habitudes aux dieux, de môme qu’ils les représentent à leur image.
Livre I, chapitre I, La Politique – Aristote
Aristote donne dans cet extrait une explication aux régimes monarchiques. Le régime monarchique trouve une origine dans les rapports familiaux, et dans l’habitude de considérer l’aîné comme un roi. Par ailleurs, le village est défini comme l’association de plusieurs familles qui a pour finalité des rapports qui ne sont plus quotidiens.
§ 8. L’association de plusieurs villages forme un Etat complet, arrivé, l’on peut dire, à ce point de se suffire absolument à lui-même, né d’abord des besoins de la vie, et subsistant parce qu’il les satisfait tous.
Ainsi l’État vient toujours de la nature, aussi bien que les premières associations, dont il est la fin dernière; car la nature de chaque chose est précisément sa fin; et ce qu’est chacun des êtres quand il est parvenu à son entier développement, on dit que c’est là sa nature propre, qu’il s’agisse d’un homme, d’un cheval, ou d’une famille. On peut ajouter que cette destination et cette fin des êtres est pour eux le premier des biens; et se suffire à soi-même est à la fois un but et un bonheur.
Livre I, chapitre I, La Politique – Aristote
Plusieurs familles forment un village, et plusieurs villages forment un État. Comme les familles sont naturellement poussées à s’assembler en village, il s’ensuit que les villages sont naturellement poussés à former un Etat, et donc l’État est un fait de nature.
Cette déduction est possible en considérant que la nature de quelque chose est sa fin, c’est-à-dire sa finalité.
§ 9. De là cette conclusion évidente, que l’Etat est un fait de nature, que naturellement l’homme est un être sociable, et que celui qui reste sauvage par organisation, et non par l’effet du hasard, est certainement, ou un être dégradé, ou un être supérieur à l’espèce humaine. C’est bien à lui qu’on pourrait adresser ce reproche d’Homère : « Sans famille, sans lois, sans foyer…. »
L’homme qui serait par nature tel que celui du poète ne respirerait que la guerre ; car il serait alors incapable de toute union, comme les oiseaux de proie.
Livre I, chapitre I, La Politique – Aristote
L’homme est donc pour Aristote sociable par nature : il est voué à vivre en relation avec autrui du fait même de sa nature humaine.
Ainsi, pour celui qui s’exclut de la société, qui reste sauvage, il s’agit toujours d’un acte voulu, et non un acte dû au hasard. Cet homme qui s’exclut de la société est pour Aristote soit supérieur soit inférieur aux autres hommes.
De la même façon, l’État, qui est une association de villages, et donc de familles, est un fait de nature : il se constitue naturellement.
→ Que pense Aristote de l’esclavage ? (Aristote, Politique, livre I)