Platon, grand philosophe du IVème siècle avant J.C., a formulé dans La République une vision utopique de la Cité idéale, née de son profond désenchantement envers la politique athénienne de son temps. Témoin de la déchéance d’Athènes et de l’injustice criante de l’exécution de Socrate, il a détourné son regard des réalités politiques pour imaginer une société fondée sur la justice, l’harmonie et la vérité. La République explore non seulement des concepts politiques, mais aussi des dimensions philosophiques et morales, révélant la quête platonicienne d’un ordre parfait, inaccessible dans le monde réel. Bien que très ancienne, cette œuvre magistrale offre une réflexion profonde sur la nature humaine, la justice et le rôle de l’éducation dans la formation des dirigeants par rapport à laquelle nombre de théoriciens se sont positionnés par la suite : elle est donc incontournable pour comprendre la pensée politique contemporaine.
Les raisons du désengagement politique de Platon
Platon, philosophe grec du IVème siècle avant J.C., s’est profondément éloigné de la vie politique d’Athènes, influencé par ses expériences personnelles et historiques. Issu d’une famille aristocratique, il était bien placé pour participer à la politique, mais il a été témoin de la dégradation de la Cité d’Athènes après sa défaite lors de la guerre du Péloponnèse contre Sparte. L’exécution de Socrate, considéré par Platon comme « l’homme le plus juste de son temps », l’a particulièrement marqué et l’a convaincu de l’injustice et de l’imperfection de la politique athénienne. Ce sentiment d’injustice l’a poussé à détourner son attention de la réalité politique d’Athènes pour envisager une Cité idéale et juste, qu’il explore dans son œuvre La République. Cet ouvrage ne se limite pas à des questions politiques mais traite également de la vérité, de l’âme, de l’art et de la philosophie. Platon considère la réflexion politique comme un point de départ indispensable pour découvrir le royaume des idées, un monde idéal accessible seulement en se détournant des réalités politiques de la Cité.
→ 4 Citations de Platon sur la justice (Livre Ier de la République)
Les fondements de la justice et de la cité idéale
Dans La République, Platon débat de la nature de la justice face aux sophistes, notamment Thrasymaque, qui affirme que la justice est l’expression du plus fort, celui qui détient le pouvoir. Selon cette thèse, la loi ne saurait apparaître injuste puisqu’elle est, par définition, légale. Platon propose une alternative à cette conception, en prônant l’idée d’une harmonie sociale, où la vie conforme au Bien est harmonieuse. L’injustice, selon lui, crée des dissensions et des conflits, tandis que la justice entretient la concorde et l’amitié.
Platon décrit une Cité primitive, formée pour satisfaire les besoins premiers des hommes, régie par la spécialisation des tâches et l’organisation rationnelle du travail. Cependant, cette cité évolue vers une Cité du luxe, où le désir des choses non nécessaires provoque des inégalités, des conflits et des guerres. Pour rétablir l’ordre, la présence de guerriers-philosophes, appelés « gardiens », devient nécessaire. Ces gardiens doivent être philosophiques, forts et prompts, révélant un pessimisme fondamental de Platon : toute Cité, comme toute réalité naturelle, est vouée à la dégradation.
La vertu de la transparence et le rôle de l’éducation
Platon explore également la nature défectueuse des hommes, illustrée par le mythe de l’anneau de Gygès, qui rend invisible et révèle la tendance humaine à l’injustice lorsque l’impunité est assurée. Il en déduit que la visibilité et la transparence sont des gages de vertu politique. Il propose que les gardiens de la Cité vivent en commun, sans propriété ni vie de famille, pour éviter les conflits d’intérêts et garantir une dévotion totale à la Cité. L’éducation joue un rôle fondamental dans la politique platonicienne, façonnant les citoyens conformément aux besoins de l’État. Les gardiens et les philosophes-rois reçoivent une éducation complète pour devenir des dirigeants justes et compétents, tandis que la classe des laboureurs reste apolitique et sans éducation publique.
→ Platon – Cultiver l’âme et le corps
Platon conclut que les philosophes, grâce à leur recherche de la vérité et leur capacité à formuler des jugements universels, sont les plus aptes à gouverner. Toutefois, la réalisation de cette Cité idéale semble impossible, car les philosophes, par nature, répugnent à mentir, même pour le bien commun. Ainsi, la Cité juste de Platon demeure une utopie, une construction théorique qui montre l’État tel qu’il devrait être, mais dont la réalisation est empêchée par les limitations inhérentes à la nature humaine et à la politique.