Ce cours explore la pensée politique de Jean-Jacques Rousseau à travers son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. Il examine les concepts d’état de nature, de société et de langue, en dévoilant les mécanismes de la dénaturation et de l’inégalité humaine. La réflexion de Rousseau sur la nature humaine et la société est un incontournable de la pensée politique, que vous devez maîtriser sur le bout des doigts pour faire Sciences Po.
Le discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes : contexte et objectifs
Le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, rédigé par Jean-Jacques Rousseau en 1755, répond à une question posée par l’Académie de Dijon en 1754 : « Quelle est l’origine de l’inégalité parmi les hommes et est-elle autorisée par la loi naturelle ? ». Cette académie, fondée en 1725, était une institution privée composée principalement de notables, visant à promouvoir le débat d’idées. Rousseau, qui venait de sortir de l’anonymat après avoir remporté un concours en 1750 avec son Discours sur les Sciences et les Arts, se saisit de cette opportunité pour développer des réflexions qui allaient marquer ses ouvrages futurs.
→ Résumé du Livre 1 du Contrat social de Rousseau
Rousseau reformule la question de l’Académie en liant l’origine de l’inégalité à sa conformité à la loi naturelle, proposant ainsi une réponse plus complexe que la question initiale. Il soutient que l’inégalité est à la fois contre-naturelle et naturelle, trouvant sa cause dans une nature humaine soumise à un processus paradoxal de dénaturation. En dédicaçant son discours au Conseil général de la république de Genève, Rousseau donne à son œuvre une dimension politique, se présentant lui-même comme « citoyen de Genève ». Il adresse son message non seulement à ses contemporains, mais aussi à l’humanité future, affirmant que l’étude de l’homme est « la plus utile et la moins avancée de toutes les connaissances humaines ».
L’état de nature et la dénaturation de l’homme
Rousseau commence par décrire l’état de nature, une condition hypothétique où l’homme vivait en solitaire, en communion avec la nature. Dans cet état, l’homme sauvage n’avait d’autre souci que celui de sa conservation et vivait en harmonie avec son environnement, exempt des influences corruptrices de la société. Cette description contraste avec l’état civilisé, où les hommes vivent en société et accumulent des connaissances qui les éloignent de leur nature primitive.
Dans l’état de nature, l’homme est innocent, ignorant la morale et la signification du bien et du mal. La solitude de cet état abolit l’idée d’inégalité, car les hommes y sont égaux, chacun en relation directe avec la nature. Rousseau utilise cette image pour critiquer la science et la culture, qu’il accuse de dénaturer l’homme et de l’éloigner de la véritable connaissance de soi.
L’émergence de la société et de l’inégalité
Rousseau décrit les grandes étapes de l’histoire des sociétés humaines, marquées par les premiers rapprochements, la formation des familles et des nations, et l’émergence des premières organisations sociales. Ces développements introduisent la notion d’amour-propre, un sentiment par lequel l’homme se compare aux autres et cherche à obtenir respect et considération. Cet amour-propre devient un moteur de l’inégalité, car il pousse les hommes à se distinguer et à accumuler des biens matériels.
→ La pensée de Jean-Jacques Rousseau
L’inégalité se concrétise avec l’acquisition de la propriété, qui place certains hommes sous la domination d’autres. Rousseau argue que la perte de l’égalité naturelle entraîne la perte de la liberté, et que la société, en incitant les hommes à sortir constamment d’eux-mêmes, les expose à la connaissance du mal. Le progrès, loin d’améliorer la condition humaine, dissimule une déchéance morale et matérielle, symbolisée par la méchanceté et la pauvreté.
Rousseau conclut que l’inégalité sociale est intrinsèquement liée à l’inégalité culturelle. La société, en exacerbant l’amour-propre et en multipliant les besoins artificiels, enferme les hommes dans un réseau de dépendances mutuelles et de servitudes. La langue, en tant qu’outil de communication et de domination, joue un rôle central dans ce processus de dénaturation. Plus elle se perfectionne, plus elle devient un instrument de distinction sociale et de manipulation, renforçant ainsi l’inégalité entre les hommes.
→ Citations sur les Inégalités
La langue, l’imposture et la naissance de la propriété
Rousseau accorde une attention particulière à la langue et à son rôle dans l’établissement de la propriété et de l’inégalité. Il commence par exprimer sa méfiance envers les mots, reformulant la question de l’Académie pour souligner leur potentiel trompeur. Selon Rousseau, la langue est une imposture, un moyen d’appropriation et de domination. Parler et nommer revient à s’approprier, et la société est fondée par ceux qui imposent leur discours.
Dans l’état primitif, les hommes étaient muets, et la langue se perfectionnait à mesure que les relations sociales se complexifiaient. Dans une société civilisée, la langue devient un artifice, un outil de séduction et de domination. L’éloquence, bien que belle et puissante, est souvent utilisée pour maintenir l’inégalité sociale.
→ Rousseau – La famille, la plus ancienne des sociétés
Rousseau propose une anthropologie négative, définissant l’homme sauvage par ce qu’il n’est pas. La propriété, qui apparaît avec le langage et la société, n’est pas naturelle. Elle s’oppose à la possession, qui est une relation immédiate à la nature. L’acte d’appropriation, acte linguistique par excellence, est à l’origine de l’inégalité parmi les hommes. En reformulant les termes de la question de l’Académie et en explorant les liens entre langue, propriété et société, Rousseau met en lumière les mécanismes de la dénaturation et de l’inégalité humaine.