Pour mieux comprendre le conflit israélo-palestinien, nous proposons une lecture des grandes étapes du conflit israélo-palestinien en distinguant trois échelles.
- L’échelle territoriale : il s’agit de comprendre quels sont les enjeux, les raisons, et les actions
- des Israéliens et
- des Palestiniens
- L’échelle du monde arabe, dont on peut distinguer deux ensembles vis-à-vis du conflit israélo-palestinien, avec des intérêts pluriels et souvent divergents :
- Les pays arabes voisins : Jordanie, Liban, Syrie, Égypte. Peu de ressources de pétroles et de gaz.
- Les autres pays du monde arabe : Libye, Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie, Irak, Arabie saoudite, Koweït, Bahreïn, Qatar, Émirats arabes unis, Oman, et Yémen. Ressources de pétroles et gaz.
- L’échelle internationale : comment le reste du monde réagit ou influence le conflit israélo-palestinien, notamment par l’action de l’ONU.
Période de la guerre d’indépendance d’Israël (1948 à 1956)
Échelle territoriale :
La situation en 1949, comme s’y arrêtait l’article précédent → Pourquoi le conflit israélo-palestinien ?, était celle d’un cessez-le-feu délimitant par une Ligne verte les territoires israélien et arabe.
Les Palestiniens n’avaient pas de maîtrise sur la guerre, et 700 000 d’entre eux étaient contraints à l’exil. Certains restaient en Palestine, soit sur le nouveau territoire israélien, soit dans les territoires occupés, en Cisjordanie ou dans le bande de Gaza ; d’autres fuyaient et se réfugiaient dans les États arabes voisins. Jusqu’alors appelés « Arabes de Palestine », une véritable identité commune se construit entre Palestiniens. Les Palestiniens n’ont en effet à ce moment pas de citoyenneté propre, mais la politisation de leur histoire commune accélère un nationalisme palestinien.
Une majorité vit dans des camps à forte pauvreté, proches de la Palestine, caractérisés en outre par une forte natalité et un taux de chômage élevé.
Israël étendait largement sa superficie, côtoyant la Cisjordanie comprenant Jérusalem-Est et la bande de Gaza gérée par les forces égyptiennes.
Échelle du monde arabe :
Les Palestiniens sont reçus dans le monde arabe, qui les prend en charge avec un organisme de l’ONU, tout en leur refusant la naturalisation. Les États arabes n’agirent pas toujours dans l’intérêt des Palestiniens, qui en retour s’employèrent à rester maîtres de leur sort, et concrètement en premier lieu maîtres des camps de réfugiés.
Ainsi, la Jordanie et la Syrie qui voulaient établir un grand État arabe sous leur gouvernement, firent concurrence à la souveraineté palestinienne. De la même façon, l’influence du panarabisme nassérien (Égypte) et du Baas compliquèrent la cause palestinienne.
Échelle internationale :
L’ONU, tout en préconisant le rapatriement des réfugiés, met en place l’UNRWA, un organisme qui leur vient en secours et propose un programme d’éducation. Ce statut, qui comprend tous les Palestiniens ou leurs descendants qui ont perdu leur foyer à cause de la guerre de 1948, correspond à la moitié de la population palestinienne, un record dans le monde.
Période de la guerre de Suez (1956 à 1967)
Échelle territoriale :
La guerre de Suez se déroule du 29 octobre 1956 au 7 novembre 1956. Deux États européens, la France et le Royaume-Uni concluent un accord secret avec Israël, et envahissent l’Égypte. Cette coalition est mise en échec par les États-Unis et l’URSS, les deux grandes puissances du monde en cette période de la guerre froide.
Le conflit aboutit à une victoire militaire d’Israël contre l’Égypte, et l’arrivée des Nations Unies, leur apporte des garanties de sécurité le long de la frontière à l’est de l’Égypte, même si Nasser, dirigeant de l’Égypte et sorti vainqueur de la guerre contre toute attente, peut demander le retrait des Casques bleus.
Échelle du monde arabe :
Les Juifs d’Égypte sont contraints à l’exil, après la guerre de Suez.
La situation des réfugiés palestiniens, qui était sensée être temporaire jusqu’à une prochaine victoire contre Israël, s’est finalement pérennisée. Les États arabes sur qui reposaient ces ambitions ont déçu les Palestiniens, si bien qu’une Organisation de libération de la Palestine (OLP) prend la place pour représenter les Palestiniens, fondée en 1964 au Caire à l’initiative de la Ligue arabe. Elle est dotée de sa propre charte, de son propre siège et et sa propre armée.
Échelle internationale :
En France, la guerre de Suez est dans l’ensemble soutenue. Au Royaume-Uni, des contestations se font davantage entendre contre la guerre de Suez. Après la mainmise d’Israël sur le Sinaï, l’URSS se dit prête à engager l’arme atomique, l’OTAN indiquant qu’elle ferait de même dans ce cas. Les États-Unis demandent le retrait des Français et des Britanniques. L’équilibre formé par les deux géants que sont les États-Unis et l’URSS domine aux yeux du monde les puissances européennes.
Période de la guerre des Six-Jours (1967 à 1973)
Échelle territoriale :
Bien que pour Nasser (Égypte), les forces arabes traditionnelles ne soient pas à même de vaincre l’armée israélienne, la nécessité de garder la main dans le monde arabe, sous la pression du Fatah et de la Syrie à partir de 1966, le pousse à affronter de nouveau Israël. Nasser demande la fin de la présence de l’ONU le long de la frontière entre l’Égypte et Israël, et après avoir interdit l’accès au détroit de Tiran, il commence à envoyer des troupes au Sinaï. Israël réagit rapidement et lance la guerre, remportant la victoire en seulement six jours, du 5 au 10 juin 1967. Le résultat fut une occupation totale de la Palestine par Israël, et un nouvel exode massif des Palestiniens, leurs camps étant contrôlés par Israël.
Après la guerre des Six-Jours, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) se tourne davantage encore vers le socialisme arabe et la révolution armée. L’organisation gardait en revanche son fonctionnement démocratique, et demeurait laïque.
Le mouvement du Fatah, nationaliste, membre de l’Internationale socialiste, et qui avait acquis une influence depuis 1959, prônait une nouvelle forme de guerre pour défaire Israël, à savoir une guerre révolutionnaire faite de raids réguliers, devant aboutir à un soulèvement général. Israël en retour négligeait volontairement l’existence du Fatah dans ses discours officiels, accusant plutôt les États arabes du terrorisme palestinien.
Échelle du monde arabe :
Israël impose son autorité sur les camps de Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
À la fin de la guerre des Six-Jours, un Sommet de Khartoum réunissant huit signataires (l’Égypte, la Syrie, la Jordanie, le Liban, l’Irak, le Maroc, l’Algérie, le Koweit, et le Soudan) donne lieu à une résolution affirmant « trois non » : non à la paix Israël, non à la reconnaissance d’Israël, et non aux négociations avec Israël.
En 1972, le roi Hussein (Jordanie) voulut former un grand État arabe constitué de deux provinces, la Jordanie et la Palestine. Cette proposition fut très mal accueillie dans le monde arabe, en particulier par l’Égypte et l’OLP, qui menaça quiconque participerait à cette idée ennemie, et créa un Front national palestinien rejetant ce projet.
Échelle internationale :
Le conseil de Sécurité de l’ONU vote quant à lui la Résolution 242, le 22 novembre 1967, qui demande notamment le « Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du récent conflit« , et n’évoque les Palestiniens qu’en tant que réfugiés : « réaliser un juste règlement du problème des réfugiés« . Cette résolution divisa les pays arabes, puisque la Syrie la refusa, au contraire de l’Égypte et de la Jordanie qui l’acceptèrent.
Période de la guerre du Kippour (1973 à 1987)
Échelle territoriale :
En 1973, l’Égypte et la Syrie attaquent Israël. Mais leurs armées sont battues par Israël qui conserve ses acquis de 1967.
En mars 1977, le Conseil national palestinien (institution parlementaire de l’OLP) indiquait vouloir libérer en premier lieu les territoires occupes, le but ultime restant la libération de la Palestine dans son intégralité.
Les attaques palestiniennes contre Israël reprenaient à un rythme soutenu. Israël décida une invasion au sud du Liban pour en expulser l’OLP, ce qui fut concrétisé en 1982. Une coalition de la France, de l’Italie, et des États-Unis mit fin à l’invasion, permettant à Yasser Arafat de se réfugier à Tunis.
Échelle du monde arabe :
Le sommet arabe d’Alger en novembre 1973 changeait la ligne des « trois non » (voir la période de la guerre des Six-Jours) pour demander plutôt une paix juste conditionnée par un retour à la Ligne verte (c’est-à-dire les frontières à l’issue de la guerre d’indépendance, en 1949). Le roi Hussein (Jordanie) fit part de son désaccord, voulant donner davantage de rôle à la Jordanie, mais sans succès.
L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) acquit définitivement au cours de cette période sa légitimé et autorité pour représenter le peuple palestinien. Elle commençait également à être représentée dans les plus grandes organisations internationales, mais manquait encore la reconnaissance de la part des États-Unis.
L’attention du monde arabe se focalisera moins sur le conflit israélo-palestinien que sur la guerre au Liban après 1975 et entre l’Irak et l’Iran après 1980. La République iranienne, pays chiite ennemi d’Israël, voulut en effet rallier le monde arabe en s’alliant avec la Syrie baasiste-alaouite. Elle s’opposait à l’Irak baasiste-sunnite et à l’Arabie saoudite.
La Syrie, avec le soutien de l’Iran et du Hezbollah, envahit le Liban avec l’ambition d’étendre ses frontières.
Échelle internationale :
Le Conseil de Sécurité de l’ONU adopta une résolution 338 en octobre 1973 visant à mettre fin à la guerre du Kippour. Un cessez-le-feu était demandé, qui devrait être suivi de négociations pour instaurer la paix.
Les États-Unis voulaient de l’OLP qu’elle accepte le droit d’existence à Israël, ainsi que les résolutions 242 et 338 votées par le Conseil de sécurité de l’ONU. Israël restait son allié stratégique, et pouvait constituer avec l’Égypte, l’Arabie Saoudite et la Jordanie, un rempart contre le soviétisme.
C’est sous l’égide du président américain Carter que l’Égypte et Israël mènent des négociations secrètes puis signent les accords de Camp David en septembre 1978, pour lesquels Menahem Begin (Israël) et Anouar el-Sadate (Égypte) reçoivent le Nobel de la paix. Un traité de paix entre les deux pays s’ensuit le 26 mars 1979 : c’est une mauvaise nouvelle pour les Palestiniens, qui perd un soutien, tandis que la Ligue arabe exclue l’Égypte de ses rangs, déplaçant son siège du Caire à Tunis.
Les neuf membres de la Communauté européenne s’appuyaient sur la résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU pour envisager la paix.
Période de la première Intifada (1987 – 1993)
Échelle territoriale :
Un emballement de l’opinion public associe la mort accidentelle de quatre Palestiniens avec le meurtre d’un Israélien deux jours plus tôt, faisant dégénérer les protestations de la foule lors des funérailles. C’est l’élément déclencheur de la première intifada, dans un contexte de misère et de rancœur des Palestiniens vis-à-vis d’Israël surtout depuis la guerre des Six Jours.
Le mouvement évolue vers la désobéissance civile et les manifestations. Les plus jeunes, enfants et adolescents, sont des acteurs importants de cette première intifada, et les femmes participent également. Tout est fait pour provoquer l’armée israélienne, par des jets de pierres, d’engins explosifs, par le sabotage, et par une campagne de mobilisation publique.
Israël réagit par l’envoi de nombreux soldats, environ 80 000 hommes, qui entament une répression beaucoup plus forte.
En 1988, Yasser Arafat proclame pour l’OLP l’indépendance de l’État de Palestine, fort du succès de l’intifada.
À partir de 1991, les violences diminuent. L’intifada aura tout de même rappelé l’importance du conflit israélo-palestinien, en soudant un peu plus les Palestiniens, en infligeant des pertes économiques à Israël.
Échelle du monde arabe :
L’OLP est elle chassée du Liban après l’offensive de la Syrie qui occupe désormais le nord du Liban — Israël occupant le sud. Elle établit son siège à Tunis, et acquiert un caractère religieux, islamique en l’occurrence. En octobre 1985, ce siège est bombardé par Israël, cet exploit technique à plus de 2000 km de la base israélienne est condamné par l’ONU.
Les pays arabes ne font plus de la question palestinienne une priorité, tandis que l’OLP est accusé de ne pas suffisamment prendre en compte le vécu des palestiniens.
Depuis 1988, le Hamas qui vient d’être créé concurrence le Fatah pour diriger l’OLP.
Échelle internationale :
La diffusion des images de la première intifada suscite une certaine empathie du reste du monde envers les Palestiniens, en particulier devant l’utilisation de la violence par Israël contre des civils enfants, ce que l’OLP utilise dans sa communication.
L’URSS souhaite régler les conflits dans le monde impliquant la lutte armée par la voie diplomatique de l’ONU. Elle demande une solution au conflit isréalo-palestinien passant par une mutuelle reconnaissance, et laisse les Juifs soviétiques rejoindre Israël.
La guerre du Golfe oppose l’Irak, qui vient d’annexer le Koweït, à une coalition de 35 États menée par les États-Unis.
Période des Accords d’Oslo (1994-2000)
Échelle territoriale :
Une Autorité palestinienne qui doit administrer la Cisjordanie et la bande de Gaza, est le résultat des accords d’Oslo (voir échelle internationale). Yasser Arafat en est élu président en 1996.
Échelle du monde arabe :
La Jordanie signe la paix avec Israël en 1994.
Échelle internationale :
Après la guerre du Golfe, les États-Unis s’engagent dans des négociations pour rétablir la paix au Moyen-Orient. Le président américain Bill Clinton parvient à réunir Yasser Arafat (pour les Palestiniens) et Yitzhak Rabin (pour les Israéliens) en septembre 1993, qui s’accordent sur plusieurs points : l’OLP reconnaît le droit à Israël d’exister en paix et en sécurité, tandis qu’Israël reconnaît la légitimité de l’OLP. Ces accords d’Oslo sont complétés en 1995 par une seconde étape, Oslo II. Le processus de paix n’ira pas beaucoup plus loin que cette reconnaissance mutuelle, les positions se radicalisant de nouveau, et les objectifs des accords n’étant pas tenus ou en retard.
Période de la seconde Intifada (2000 à 2021)
Échelle territoriale :
La venue de l’Israélien Ariel Sharon, à cette époque député, sur l’esplanade des Mosquées fait scandale et provoque des manifestations palestiniennes. Fortement réprimées, la mort d’un enfant palestinien devient un symbole, et les violences se perpétuent. Un mois plus tard, le Hamas et le Jihad islamique palestinien organisent une série d’attentats suicides. La seconde Intifada dure surtout jusqu’en 2005, existant encore active aujourd’hui mais à un degré beaucoup plus modéré.
Le Hamas (mouvement palestinien qui se distingue par son islamisme) et le Fatah (mouvement palestinien qui se distingue par son nationalisme qui l’a fait diriger l’OLP) sont deux factions palestiniennes mais rivales, et se livrent à une guerre d’influence pour diriger l’Autorité palestinienne, qui devient même matérielle et concrète lors d’échanges de tirs.
Le Hamas remporte les élections législatives en 2006 qui doivent lui permettre de diriger l’Autorité palestinienne. Mahmoud Abbas propose donc au Hamas de former un nouveau gouvernement. Face à la suspension de l’aide internationale qui voit défavorablement le résultat des élections, le Hamas et le Fatah s’accordent sur un gouvernement d’union nationale palestinien, dont ils se partagent les postes.
Cela n’empêche pas le Hamas de lancer une offensive contre le Fatah, et Mahmoud Abbas en particulier, dans la bande à Gaza en juin 2007. Le Hamas réussit à prendre le contrôle, reléguant le pouvoir de l’Autorité palestinienne sur ce territoire.
Cette division palestinienne n’efface pas le conflit avec Israël, contre qui le Hamas lance des roquettes régulièrement depuis, Israël décrétant le blocus du territoire à la fin du mois de juin 2007, puis ripostant à chaque fois par des bombardements contre Gaza.
La guerre de Gaza en 2008 et 2009 se caractérise également par une offensive terrestre de la part d’Israël dans la bande de Gaza.
Des confrontations éclatent de nouveau les années suivantes, et les opérations israéliennes sanglantes en riposte aux attaques lancées depuis la Palestine ont encore cours de nos jours.
En janvier 2013, l’Autorité palestinienne est dissolue par Mahmoud Abbas pour devenir l’État de Palestine, tandis que l’OLP garde son rôle de porter la voix des Palestiniens.
En 2020, la population israélienne est de 8,5 millions de personnes. La population arabe sur le territoire israélien atteint elle 1,4 million de personnes, la majorité habitant en Galilée (surtout dans la ville de Nazareth). En territoire occupé de Cisjordanie et dans la bande de Gaza résident 4,8 millions de Palestiniens.
La bande de Gaza en particulier connaît une très forte densité, sa population étant passée de 70000 habitants en 1948 à 1,8 million aujourd’hui, associée à une très forte pauvreté.
Échelle internationale :
En novembre 2012, l’État de Palestine est officialisé auprès de l’ONU, l’intégrant comme comme État observateur.
En décembre 2017, Donald Trump reconnaît officiellement Jérusalem comme capitale d’Israël, et y fait transférer l’ambassade des États-Unis, conformément à une loi adoptée par le Congrès américain en 1995, mais sans cesse repoussée depuis. Cette décision, qui va dans le sens d’Israël, provoque des protestations de la part des Palestiniens. Lors de manifestations perçues comme violentes, Israël utilise les armes, faisant plus d’une cinquantaine de morts.