Pourquoi Alexis de Tocqueville est-il souvent classé à droite ?
Ces extraits vous donneront le début d’une réponse.
La solidarité entre pauvres et riches à l’avenir
En peu de mots, résumons qu’Alexis de Tocqueville prédit et démontre deux tendances :
- Optimisme sur l’avenir : à mesure que le temps passera, les richesses s’accumuleront pour de plus en plus de personne et la vie leur sera plus douce.
- Pessimisme sur la répartition des richesses : le nombre de personnes qui devront demander de l’aide à leurs concitoyens sera lui aussi de plus en plus important.
Voici la conclusion d’Alexis de Tocqueville :
A mesure que le mouvement actuel de la civilisation se continuera, on verra croître les jouissances du plus grand nombre ; la société deviendra plus perfectionnée, plus savante ; l’existence sera plus aisée, plus douce, plus ornée, plus longue ; mais en même temps, sachons le prévoir, le nombre de ceux qui auront besoin de recourir à l’appui de leurs semblables pour recueillir une faible part de tous ces biens, le nombre de ceux-là s’accroîtra sans cesse. On pourra ralentir ce double mouvement ; les circonstances particulières dans lesquelles les différents peuples sont placés précipiteront ou suspendront son cours ; mais il n’est donné à personne de l’arrêter.
Alexis de Tocqueville, Mémoire sur le paupérisme (1835), Première partie
Distinction de deux formes de charité
Alexis de Tocqueville sépare deux sortes de bienfaisances :
- La première consiste, dit de manière plus simple, à aider individuellement les autres autant qu’on le peut. Elle est soutenue par le catholicisme.
- La seconde est institutionnalisée. Elle vient de l’Etat, qui soulage les maux des citoyens. Elle est née du protestantisme.
→ Sujet corrigé – « Les croyances dogmatiques » – Tocqueville, De la démocratie en Amérique
Il y a deux espèces de bienfaisances : l’une, qui porte chaque individu à soulager, suivant ses moyens, les maux qui se trouvent à sa portée. Celle-là est aussi vieille que le monde ; elle a commencé avec les misères humaines ; le christianisme en a fait une vertu divine, et l’a appelée la charité.
L’autre, moins instinctive, plus raisonnée, moins enthousiaste, et souvent plus puissante, porte la société elle-même à s’occuper des malheurs de ses membres et à veiller systématiquement au soulagement de leurs douleurs. Celle-ci est née du protestantisme et ne s’est développée que dans les sociétés modernes.
Alexis de Tocqueville, Mémoire sur le paupérisme (1835), Seconde partie
Les conséquences de la charité légale
Brièvement, Alexis de Tocqueville identifie les deux ressorts qui portent à travailler :
- le besoin de vivre
- le désir d’améliorer les conditions de l’existence
→ Le travail pour les Indiens d’Amérique selon Tocqueville
Or, explique Alexis de Tocqueville, les établissements charitables détruisent cette première motivation et ne laissent que la deuxième.
Le pauvre, ayant un droit absolu aux secours de la société, et trouvant en tous lieux une administration publique organisée pour les lui fournir, on vit bientôt renaître et se généraliser dans une contrée protestante les abus que la Réforme avait reprochés avec raison à quelques-uns des pays catholiques. L’homme, comme tous les êtres organisés, a une passion naturelle pour l’oisiveté. Il y a pourtant deux motifs qui le portent au travail : le besoin de vivre, le désir d’améliorer les conditions de l’existence. L’expérience a prouvé que la plupart des hommes ne pouvaient être suffisamment excités au travail que par le premier de ces motifs, et que le second n’était puissant que sur un petit nombre. Or un établissement charitable, ouvert indistinctement à tous ceux qui sont dans le besoin, ou une loi qui donne à tous les pauvres, quelle que soit l’origine de la pauvreté, un droit au secours du public, affaiblit ou détruit le premier stimulant et ne laisse intact que le second. Le paysan anglais comme le paysan espagnol, s’il ne se sent pas le vif désir de rendre meilleure la position dans laquelle il est né et de sortir de sa sphère, désir timide et qui avorte aisément chez la plupart des hommes, – le paysan de ces deux contrées, dis-je, n’a point d’intérêt au travail, ou, s’il travaille, il n’a pas d’intérêt à l’épargne ; il reste donc oisif, ou dépense inconsidérément le fruit précieux de ses labeurs. Dans l’un ou l’autre de ces pays, on arrive par des causes différentes à ce même résultat, que c’est la partie la plus généreuse, la plus active, la plus industrieuse de la nation, qui consacre ses secours à fournir de quoi vivre à ceux qui ne font rien ou font un mauvais usage de leur travail.
Alexis de Tocqueville, Mémoire sur le paupérisme (1835), Seconde partie
Alexis de Tocqueville conclut de tout cela que les travailleurs sont utilisés pour secourir les plus pauvres qui par conséquent demeurent oisifs.
→ Analyse du lien entre démocratie et étude des sciences – Alexis de Tocqueville
Sa sentence est sans appel, un peu plus loin dans cette Seconde partie de son Mémoire sur le paupérisme :
Toute mesure qui fonde la charité légale sur une base permanente et qui lui donne une forme administrative crée donc une classe oisive et paresseuse, vivant aux dépens de la classe industrielle et travaillante.