La révolte Noire américaine

Pour comprendre le projet d’une histoire populaire des États-Unis, voulue par l’historien de Howard Zinn, rendez-vous ici Histoire populaire de la société des Etats-Unis après 1945. Cette histoire engagée se veut comme un rééquilibrage entre la version officielle des manuels scolaires et la véritable histoire contemporaine de la société américaine. Il est ici question de la place des Noirs aux États-Unis, en particulier dans les années 1950, 1960, et 1970.

La révolte noire

Le réveil de la conscience Noire américaine

Les décennies 1950-1960, et 1960-1970, se caractérisent par l’émergence d’un fort mouvement de révolte de la part de la population Noire.

L’art participe à l’éveil de ces consciences. C’est d’abord la musique, par le blues, et le jazz. C’est ensuite la littérature, avec par exemple les œuvres de Margaret Walker et Richard Wright, notamment la poésie, dans la ligne de Paul Laurence Dunbar, Langston Hughes, Claude McKay.

Le militantisme pour les Noirs, qui avait émergé dans les années 1930, devint plus silencieux lors de la Seconde Guerre mondiale. Les premières révoltes en Asie et en Afrique remit en cause ce silence.

A la fin 1946, un comité des droits civiques fut initié par Truman. Ce dernier, concurrencé par Henry Wallace dans la campagne présidentielle, signa un décret en 1948 pour favoriser l’égalité raciale dans l’armée, où la ségrégation était toujours de vigueur.

La Cour suprême évolua aussi, par des décisions successives : en 1954 fut abandonnée la doctrine de « l’égalité dans la séparation ». L’affaire Brown vs Board of Education fut l’occasion de critiquer le sentiment d’infériorité que pouvait provoquer la ségrégation, et de déclarer que l’égalité dans la séparation n’était pas valable au sein de l’école. Malgré cette décision importante, il est à noter qu’en 1965 +75% des écoles du Sud étaient toujours sous le régime de la ségrégation.

Rosa Parks

Alors qu’au début des années 1960, des révoltes éclosent dans le Sud, elles se transforment en véritable conflits dans le Nord également à la fin de la décennie.

Le cas Rosa Parks est en ce sens illustre. Âgée de 43 ans, Rosa Sparks explique pourquoi elle a refusé de s’astreindre aux lois de Montgomery, capitale de l’Alabama, en s’asseyant en 1955 dans la section réservée pour les Blancs dans un bus. « quand et comment pourrait-on affirmer nos droits en tant qu’être humains ? » témoigne-t-elle trois mois après son arrestation. Toute la communauté Noire se révolte dans la ville de Montgomery, boycottant les transports ; les réactions furent vives de la part des ségrégationnistes, en utilisant notamment des bombes, dont une au domicile de Martin Luther King qui fut parmi les intiateurs du boycott. Ce boycott fut récompensé de succès, lorsqu’en novembre 1956, la Cour suprême interdit la ségrégation dans les transports municipaux.

Ces évènements servirent d’exemple dans tout le Sud durant les 10 années qui suivirent. La voix de Martin Luther King commença à trouver des auditeurs, tandis que quelques uns critiquaient sa naïveté.

Sit-in et Freedom Rides

Robert Williams, président de la NAACP, , encourage les Noirs à se défendre, et par les armes si besoin. Les Noirs n’utilisèrent cependant pas la violence dans les années qui suivirent, menant par exemple des opérations de sit-in dans 5 Etats du Sud.

Le CORE, Congress of Racial Equality, dans le Nord, organisa des Freedom Rides, opérations qui consistaient à venir Blancs et Noirs ensembles dans les bus vers le Sud, ce qui entraîna d’importantes violences. Un autre Freedom Ride fut organisé entre Nashville et Birmingham par le SNCC, Student Nonviolent Coordinating Committee, à l’origine des sit-in, et se solda par une nuit en prison et de violents affrontements également.

Mais ces Freedom Rides commencèrent vraiment à inquiéter l’Etat américain lorsqu’ils attirèrent la presse internationale.

Les affrontements continuèrent dans de nombreuses villes, souvent violents. En juin 1964 le mouvement des droits civiques organise un évènement près de la Maison Blanche. Il n’y eut aucune suite, et les incidents se répétèrent.

La réaction du Congrès et de la présidence

Ces violences, la colère des Noirs, et les échos qu’ils laissaient dans les autres pays du monde, forcèrent le Congrès à accélérer les réformes. Des lois sur les droits civiques furent votées successivement en 1957, en 1960 et 1964, mais n’étaient souvent pas suivies d’effet.

Le président Johnson fut à l’initiative en 1965 d’une loi sur le droit de vote, qui fut cette fois particulièrement efficace.

Si en 1952, seul 1 million de Noirs étaient inscrits sur les listes électorales des Etats du Sud, ils étaient en 1964 2 millions, et en 1968 3 millions.

Leaders de marche de Washington en 1963. Photographe inconnu, colorisé par Jordan J. Lloyd. U.S.

La marche sur Washington de 1963

La marche sur Washington de 1963 fut transformée par Kennedy en rassemblement oecuménique, dans le but d’apaiser les tensions. Martin Luther King y prononça son plus célèbre discours : « I have a dream ». Mais ce discours restait bien trop modéré aux yeux de nombreux Noirs.

Ceux-ci se reconnaissaient davantage dans le message de Malcolm X. Celui-ci rend compte de la désillusion des Noirs quant à cette marche, qui devait être « La révolution noire », selon les mots de Malcolm X : « ce n’était même plus une marche, c’était un pique-nique, un véritable cirque. »

Les conditions de vie des Noirs restaient difficiles : les lieux de culte étaient la cible de bombes, et le taux de chômage était encore de 12,1% chez les non-blancs, contre seulement 4,8% chez les Blancs (chiffres du printemps 1963). D’après les statistiques gouvernement, 1 Noir sur 2 vivait en-dessous du seul de pauvreté de l’époque.

Malcolm X
Malcolm X

L’assassinat de Malcolm X puis de Martin Luther King

De 1964 à 1966, et surtout en 1967, les émeutes se multiplient, avec leurs lots de sang et de morts. L’expression « Black Power » devint populaire, pour désigner la méfiance envers les droits soi-disant accordés aux Noirs. C’est cette idée qu’incarne Malcolm X. En 1964, il déclare « si vous êtes suffisamment nombreux à être radicaux et que vous le reste suffisamment longtemps, vous obtiendrez votre liberté. » Son meurtre en 1965 conduit à faire de Malcolm X un martyre de la cause Noire.

Le discours modéré de Martin Luther King, s’il reste écouté, est remplacé par des positions plus radicales, telles que celles exprimées par Huey Newton, du mouvement des Black Panthers, qui encourageaient à se défendre légitimement, par les armes.

La loi votée par le Congrès en 1968 est répressive contre toute personne qui encouragerait des émeutes, notamment par l’utilisation d’un service fédéral, pouvant être sanctionnée de 5 ans de prison.

Martin Luther King, en critiquant la guerre qui pour lui contribuait à la pauvreté des Américains, et surtout des Noirs, devient la cible du FBI qui enregistre ses conversations et va même jusqu’à lui envoyer des lettres de menace.

A Memphis, le 4 avril 1968, Martin Luther King est assassiné sur le balcon de son hôtel, sans que l’auteur du crime ne soit arrêté.

Si les lois étaient favorables aux Noirs, dans les faits les tribunaux n’auraient pas bien protégé les Noirs « contre la violence et l’injustice », d’après Howard Zinn. Il luttait même contre les activistes Noirs, en utilisant les armes et la violence, par l’intermédiaire du FBI.

L’amélioration relative des conditions de vie de la population Noire

Au début des années 1970, le système américain essaie de se protéger contre la force et les dangers des émeutes Noires. De plus en plus nombreux à voter, les Noirs intègrent les institutions politiques. En 1977, ils sont 2000 au sein des administrations de 11 Etats du Sud, contre 72 seulement en 1965.

Ils restent néanmoins en infériorité : alors qu’ils représentent 20% de la population dans le Sud, ils n’occupent qu’à peine 3% des fonctions électives.

Au Nord, les Noirs se mirent à concurrencer les Blancs les plus défavorisés, notamment en s’installant dans les logements qu’ils occupaient. Concentrés dans des ghettos, les Noirs conservaient la conviction qu’il fallait améliorer leur condition, mais il n’y eut plus de véritable mouvement protestataire à partir des années 1970, ou de moindre ampleur.

Histoire populaire de la société des Etats-Unis après 1945

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