Liberté d’expression chez Spinoza

Partant du principe que « il n’est pas possible […] qu’un homme abdique sa pensée et la soumette absolument à celle d’autrui », Spinoza introduit l’idée de la liberté d’expression.

Le chapitre XX du Traité théologico-politique (abrégé couramment TTP) de Spinoza a pour sous-titre :
« On établit que dans un état libre chacun a le droit de penser ce qu’il veut et de dire ce qu’il pense »

L’objectif est bien là : On peut dire ce que l’on veut, car on peut penser ce que l’on veut, et on peut dire ce que l’on pense. La liberté de penser est posée en premier, puis la liberté d’être fidèle à sa pensée, c’est-à-dire la liberté d’expression. Parce que personne ne saurait garder secret ses pensées.

Extrait de ce même Chapitre XX :

Si donc personne ne peut abdiquer le libre droit qu’il a de juger et de sentir par lui-même, si chacun par un droit imprescriptible de la nature est le maître de ses pensées, n’en résulte-t-il pas qu’on ne pourra jamais dans un État essayer, sans les suites les plus déplorables, d’obliger les hommes, dont les pensées et les sentiments sont si divers et même si opposés, à ne parler que conformément aux prescriptions du pouvoir suprême ? Les hommes les plus habiles, pour ne rien dire du peuple, savent-ils donc se taire ? N’est-ce pas un défaut commun à tous les hommes de confier à autrui les desseins qu’ils devraient tenir secrets ? Ce sera donc un gouvernement violent que celui qui refusera aux citoyens la liberté d’exprimer et d’enseigner leurs opinions ; ce sera au contraire un gouvernement modéré que celui qui leur accordera cette liberté.

Spinoza – TTP – Chapitre XX

Il s’agit même de l’intérêt de l’État de ne pas censurer les opinions.

Veut-on obtenir des citoyens, non une obéissance forcée, mais une fidélité sincère, veut-on que le souverain conserve l’autorité d’une main ferme et ne soit pas obligé de fléchir sous les efforts des séditieux, il faut de toute nécessité permettre la liberté de la pensée, et gouverner les hommes de telle façon que, tout en étant ouvertement divisés de sentiments, ils vivent cependant dans une concorde parfaite.

Spinoza – TTP – Chapitre XX

En effet, les citoyens peuvent de toute façon penser ce qu’ils veulent. Si on les oblige à parler autrement que ce qu’ils pensent, la bonne foi sera perdue. Or la bonne foi est essentielle à l’État.

Rappelons pour finir que Baruch Spinoza a lui-même expérimenté de très près les conséquences d’un manque de liberté d’expression, plutôt par les autorités religieuses que les autorités étatiques, lors de son exclusion de la communauté juive pour cause d’hérésie.

Culture générale : le Secret

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *