La lecture agrandit l’âme, et un ami éclairé la console. – Voltaire

Les personnages du conte philosophique de Voltaire utilisent le mot « ingénu » dans le sens de quelqu’un qui « dit toujours naïvement ce qu’il pense« .

Dans ce conte, celui que l’on appelle l’Ingénu est un Huron : un Indien du Canada.

Ce chapitre, dont l’intitulé signifie beaucoup : «  », est l’occasion pour Voltaire de faire l’éloge de la lecture, des connaissances, de la culture, et du sens critique.

Il y est aussi question de la censure, du gouvernement qui s’oppose à ce savoir libre, des ouvrages que l’on brûle.

La lecture agrandit l’âme, et un ami éclairé la console. Notre captif jouissait de ces deux avantages qu’il n’avait pas soupçonnés auparavant. Je serais tenté, dit−il, de croire aux métamorphoses, car j’ai été changé de brute en homme. Il se forma une bibliothèque choisie d’une partie de son argent dont on lui permettait de disposer. Son ami l’encouragea à mettre par écrit ses réflexions. Voici ce qu’il écrivit sur l’histoire ancienne :

« Je m’imagine que les nations ont été long−temps comme moi, qu’elles ne se sont instruites que fort tard, qu’elles n’ont été occupées pendant des siècles que du moment présent qui coulait, très peu du passé, et jamais de l’avenir. J’ai parcouru cinq ou six cents lieues du Canada, je n’y ai pas trouvé un seul monument ; personne n’y sait rien de ce qu’a fait son bisaïeul. Ne serait−ce pas là l’état naturel de l’homme ? L’espèce de ce continent−ci me paraît supérieure à celle de l’autre. Elle a augmenté son être depuis plusieurs siècles par les arts et par les connaissances. (…)
J’aime les fables des philosophes, je ris de celles des enfants, et je hais celles des imposteurs. »

Il tomba un jour sur une histoire de l’empereur Justinien. On y lisait que des apédeutes de Constantinople avaient donné, en très mauvais grec, un édit contre le plus grand capitaine du siècle, parce que ce héros avait prononcé ces paroles dans la chaleur de la conversation :

« La vérité luit de sa propre lumière, et on n’éclaire pas les esprits avec les flammes des bûchers. »

Les apédeutes assurèrent que cette proposition était hérétique, sentant l’hérésie, et que l’axiome contraire était catholique, universel, et grec :

« On n’éclaire les esprits qu’avec la flamme des bûchers, et la vérité ne saurait luire de sa propre lumière. »

Ces linostoles condamnèrent ainsi plusieurs discours du capitaine, et donnèrent un édit.

L’Ingénu – Voltaire –

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