Albert Camus – Révolte et révolution

Albert Camus, dans l’Homme révolté, se penche sur la question de la différence entre révolte et révolution.

Pour Albert Camus, la révolution vise à « transformer le monde » (de Marx, mène à conquérir la totalité du monde) tandis que la révolte vise à « changer la vie » (de Rimbaud, mène à conquérir l’unité de la vie). Cette position duale voulait être conciliée par les surréalistes.

Le révolutionnaire désire changer l’organisation de la société.

Pour le révolté, il est nécessaire de s’appuyer sur des valeurs humanistes.

D’ailleurs, la révolte est le premier mouvement de l’être quand il est pris dans l’absurdité.Vivre l’absurde c’est avant tout être révolté.

La première et la seule évidence qui me soit donnée, à l’intérieur de l’expérience absurde, est la révolte

Cette conception de la révolte, comme première réaction au monde, est à distinguer clairement de la révolution, en particulier dans le contexte historique.

Ce passage du livre de l’Homme révolté est éclairant sur la différence entre révolution et révolte :

Dans III. La révolte historique :

En théorie, le mot révolution garde le sens qu’il a en astronomie. C’est un mouvement qui boucle la boucle, qui passe d’un gouvernement à l’autre après une translation complète. Un changement du régime de propriété sans changement de gouvernement correspondant n’est pas une révolution, mais une réforme. Il n’y a pas de révolution économique, que ses moyens soient sanglants ou pacifiques, qui n’apparaisse en même temps politique. La révolution, par là, se distingue déjà du mouvement de révolte. Le mot fameux : « Non, sire, ce n’est pas une révolte, c’est une révolution » met l’accent sur cette différence essentielle. Il signifie exactement « c’est la certitude d’un nouveau gouvernement ». Le mouvement de révolte, à l’origine, tourne court. Il n’est qu’un témoignage sans cohérence. La révolution commence au contraire à partir de l’idée. Précisément, elle est l’insertion de l’idée dans l’expérience historique quand la révolte est seulement le mouvement qui mène de l’expérience individuelle à l’idée. Alors que l’histoire, même collective, d’un mouvement de révolte, est toujours celle d’un engagement sans issue dans les faits, d’une protestation obscure qui n’engage ni systèmes ni raisons, une révolution est une tentative pour modeler l’acte sur une idée, pour façonner le monde dans un cadre théorique. C’est pourquoi la révolte tue des hommes alors que la révolution détruit à la fois des hommes et des principes

Sur le plan politique, il est intéressant également de constater qu’Albert Camus voit dans les révolutions les plus récentes un renforcement systématique de l’Etat. Sous le titre le terrorisme d’Etat et la terreur irrationnelle, il explique ainsi : « Toutes les révolutions modernes ont abouti à un renforcement de l’Etat. 1789 amène Napoléon, 1848 Napoléon III, 1917 Staline, les troubles italiens des années 20 Mussolini, la république de Weimar Hitler. » (même s’il reconnaît plus tard que les révolutions fascistes du XXe « ne méritent pas le titre de révolution« .

Alors que les idéaux sur lesquels s’appuyaient les révolutions étaient louables, c’est la présence de l’Etat de plus en plus grande qui a mis à mal ces idéaux.

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