Le travail pour les Indiens d’Amérique selon Tocqueville

Le travail est un des thèmes des IEP 2014. Il est aussi question d’une certaine culture, la culture des Indiens d’Amérique, et cette vision culturelle peut tout-à-fait faire référence pour un sujet sur la culture des IEP 2014.

Extrait de De la démocratie en Amérique, de Tocqueville, sur la conception du travail par les Indiens


Illustration de 1914
de natifs d’Amérique du Nord

« Les hommes qui se sont une fois livrés à la vie oisive et aventureuse des chasseurs sentent un dégoût presque insurmontable pour les travaux constants et réguliers qu’exige la culture. On peut s’en apercevoir au sein même de nos sociétés ; mais cela est bien plus visible encore chez les peuples pour lesquels les habitudes de chasse sont devenues des coutumes nationales.
Indépendamment de cette cause générale, il en est une non moins puissante et qui ne se rencontre que chez les Indiens. Je l’ai déjà indiquée ; je crois devoir y revenir.
Les indigènes de l’Amérique du Nord ne considèrent pas seulement le travail comme un mal, mais comme un déshonneur, et leur orgueil lutte contre la civilisation presque aussi obstinément que leur paresse.
Il n’y a point d’Indien si misérable qui, sous sa hutte d’écorce, n’entretienne une superbe idée de sa valeur individuelle ; il considère les soins de l’industrie comme des occupations avilissantes ; il compare le cultivateur au bœuf qui trace un sillon, et dans chacun de nos arts il n’aperçoit que des travaux d’esclaves. Ce n’est pas qu’il n’ait conçu une très haute idée du pouvoir des blancs et de la grandeur de leur intelligence ; mais, s’il admire le résultat de nos efforts, il méprise les moyens qui nous l’ont fait obtenir, et, tout en subissant notre ascendant, il se croit encore supérieur à nous. La chasse et la guerre lui semblent les seuls soins dignes d’un homme. L’Indien, au fond de la misère de ses bois, nourrit donc les mêmes idées, les mêmes opinions que le noble du moyen âge dans son château fort, et il ne lui manque, pour achever de lui ressembler, que de devenir conquérant. Ainsi, chose singulière ! c’est dans les forêts du nouveau monde, et non parmi les Européens qui peuplent ses rivages, que se retrouvent aujourd’hui les anciens préjugés de l’Europe. »

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Volume 1, Chapitre X, 1835

> Lisez cet extrait dans son contexte :

Analyse de cet extrait sur la conception du travail par les Indiens

Dans cet extrait, Tocqueville montre le mépris qu’éprouvent les Indiens pour le travail. Comme conséquence, les Américains renient le droit de propriété aux Indiens sur la terre, car ces Indiens ne travaillent pas la terre.

Ainsi il montre que les Indiens considèrent le travail comme un mal et un déshonneur. Ce dégoût du travail viendrait de l’orgueil : « une superbe idée de sa valeur individuelle« .

Pour eux, cultiver la terre est avilissant : les hommes qui travaillent sont comme un « bœuf qui trace un sillon« , c’est-à-dire exploité, comme un esclave.

Pourtant, les Indiens ne manquent pas d’admirer les résultats du travail, ce que le travail permet de produire. Or le résultat a beau être admirable, il n’a été obtenu qu’au prix du travail, et ce travail est méprisé : « s’il admire le résultat de nos efforts, il méprise les moyens qui nous l’ont fait obtenir« . Il s’agit donc bien de distinguer le résultat produit par le travail, et le travail lui-même, c’est-à-dire le moyen pour produire ce résultat. Ainsi, la fin ne justifierait pas les moyens en ce qui concerne le travail.

Tocqueville, en concluant que chez les Indiens « se retrouvent aujourd’hui les anciens préjugés de l’Europe » semble justifier l’idée que les mêmes conceptions du travail se retrouvaient chez les Européens, notamment les nobles du Moyen Âge.

Sujet corrigé – « Les croyances dogmatiques » – Tocqueville, De la démocratie en Amérique

Analyse du lien entre démocratie et étude des sciences – Alexis de Tocqueville

Culture générale : le Travail

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